Situé au cœur de Copenhague, le quartier autogéré et autoproclamé ville libre de Christiana depuis 1971 érige le concept de liberté comme un véritable art de vivre. La communauté comptant près de 1000 âmes suit ses propres règles et règlements, non sans quelques heurts parfois avec le gouvernement danois, notamment sur sa fameuse Pusher street. Les voitures étant interdites, on s’y balade uniquement à pied ou à vélo. Allez, on se fait la visite ensemble.
L’univers de Christiana.
Un certain style de vie.
Nous avons le sentiment d’entrer dans un monde baba cool qui nous transporte au cœur des années 1960, celui des fameux hippies comme on les appelait en ce temps-là. Rappelez-vous, à l’époque, ils revendiquent leur besoin d’émancipation. Ils veulent vivre en toute liberté avec des rapports humains plus authentiques, loin de la société de consommation avec une révolution des mœurs et des valeurs. Nous y sommes. Les écuries désaffectées et anciens bâtiments militaires sont transformés et accueillent des concerts, festivals et réunions publiques. Dans ce quartier alternatif, tout est fait de bric et de broc ou presque. On y trouve des entrepôts de recyclage, des friperies, des maisons avec jardinets et des cabanes, ainsi que des créations artistiques particulières. L’ensemble est un peu décalé, très coloré avec un air bohème. On sent un mode de vie distinct du nôtre, mais cela entre tout à fait dans le concept de cette communauté en marge de la société actuelle.
Un fonctionnement propre.
Ce quartier autogéré s’est construit et organisé autour des principes de tolérance, liberté et autonomie. Pour le bien-être de la communauté, des règles sont instaurées et un service d’ordre spécifique est en place pour les faire respecter. Parmi elles, l’interdiction du port d’arme, de drogues dures, de voitures, de violence et de vol. La communauté pratique le recyclage, l’art en plein air et la collaboration entre voisins. Jardin d’enfants, fabrique de vélos à 3 roues, sauna, cinéma, commerces, cafés, restaurants, etc…, Christiana a tout de la petite ville.
Le côté artistique.
De nombreuses créations originales émaillent notre parcours. Elles ont un petit quelque chose de touchant, de joyeux et même de poétique. On croise de tout ici comme du street art, des peintures et des sculptures. Tout est posé sur le site de façon très aléatoire, sans ordre établi. Il suffit tout simplement de prendre les choses comme elles viennent. Attrayantes, fantaisistes et/ou curieuses, les œuvres de nombreux artistes font preuve de beaucoup d’imagination et d’audace. Elles s’intègrent parfaitement dans cet environnement singulier, témoin d’une autre façon de vivre où l’art tient une grande place. Un véritable musée en plein air en quelque sorte et on aime ça.
Toutefois, la principale attraction de Christiana, celle qui attire de nombreux curieux comme les Coffee Shop d’Amsterdam réside le long de la Green Light District, aujourd’hui baptisée Pusher Street. Maintenant que nous vous avons mis sur la voie, vous avez forcément une petite idée de ce qu’elle propose.
La célèbre Pusher Street.
C’est quoi ?
Nous entrons dans la rue des dealers, dans le business de la Beuh, du Shit, de la Marie Jeanne, de l’Herbe ou du Haschich. On l’appelle comme on veut. C’est là que les habitués et certains visiteurs viennent s’approvisionner et consommer sur place. C’est le marché du cannabis à ciel ouvert. On n’y vend que ça puisque les drogues dures sont strictement prohibées. Dans ce secteur sensible, des panneaux et des pictogrammes affichent clairement que les photos sont interdites. En effet, les revendeurs de cannabis peuvent devenir nerveux et agressifs si vous les capturez dans votre objectif (même avec les téléphones portables). Sylvie porte son appareil autour du cou, mais respecte la consigne et il n’y a aucun problème. Alors, si vous souhaitez voir à quoi ressemble cette rue très spéciale qui n’a rien d’un boulevard non plus, il vous faudra y aller. Nous n’avons aucun cliché à vous présenter, mais on vous dit tout.
Qu’y trouve-t-on ?
Mesdames, messieurs, un petit coup de fumette, des petits biscuits ou des bonbons aromatisés, cela vous tente-t-il ? Faites votre choix en toute tranquillité. Tout est exposé sur des stands de fortune un peu hétéroclites et les transactions se font le plus naturellement du monde, à visage découvert. Pourtant, on ne sent rien de particulier et il n’y a pas d’effluve pour vous chatouiller les narines ou vous faire planer. On vous parlant de ça, on se rappelle le dernier et fabuleux concert des Pink Floyd à Lyon en 1994. Toutes les générations confondues se sont retrouvées là, les anciens et les jeunes. Il faut dire que les joints circulaient allègrement tant dans les gradins que sur la pelouse devant l’immense scène. Devant, derrière et à côté de nous, nous étions cernés par les fumeurs. A tel point que tout le monde baignait littéralement dans un nuage de fumée.
Lors de notre passage, rien de tout ça ici et il n’y a pas de tension particulière non plus dans ce lieu. Nous constatons seulement qu’il y a visiblement beaucoup plus de curieux que de consommateurs. Néanmoins, en déambulant en parfaits touristes dans cette rue, on se fait un peu l’impression d’être des voyeurs. Aussi, nous ne nous attardons pas.
Gardez quand même à l’esprit que la consommation de drogue est totalement illégale et interdite au Danemark. A Christiana et uniquement ici, c’est juste toléré. De temps en temps, des descentes inopinées de police ne sont pas à exclure.
Et à part ça ?
Passé cette fameuse rue, nous arrivons sur la place de Christiana où sont concentrés les bars et tout ce qu’il faut pour se rafraichir ou manger sur le pouce. Voilà une bonne occasion de faire une pause. Pour les amateurs de bière et faire couleur locale, vous goûterez forcément la Christiana Pilsner. Les trois points jaunes sur fond rouge de l’étiquette sont une référence au drapeau de Christiana ; les trois « i » de son nom.
En tout cas, ce n’est pas gagné pour trouver un endroit où s’installer. Il vaut mieux se mettre à l’écart de la foule et s’assoir au bord du lac ; ce qui est plutôt sympathique. Pour découvrir les constructions aussi hétéroclites que poétiques, avec des formes rigolotes et même bizarres, il faut prendre le temps de se promener dans ce havre de verdure et de flâner au gré de ses envies. Peut-être tomberez-vous sur la célèbre maison banane ? Et si vous ne trouvez pas de place pour déjeuner ici, Copenhague n’est pas en reste pour vous proposer toutes sortes de bonnes choses à faire twister vos papilles.
On tombe sous le charme de ce quartier ou on le déteste, les avis sont partagés. Et puis, quand on en a assez, on quitte l’atypique Christiana et son monde pour retrouver celui qui nous est familier. Le Copenhague plus traditionnel nous attend, juste à côté. Il n’y a qu’un pas à faire.