Etape insolite en pays de Somme, la Cité souterraine de Naours ne cesse de fasciner et d’intriguer les visiteurs par l’histoire et les mystères qui l’entourent. Elle forme le plus grand réseau de souterrains-refuges creusé dans le calcaire, visitable au Nord de la France. Pour la découvrir nous descendons à 33 mètres sous terre.
Retour sur l’histoire de ce site.
A l’origine.
Confrontés depuis le Moyen-âge à de nombreuses guerres et invasions, les villageois picards apprennent à se protéger en construisant des abris. Nombreux en Picardie, ceux-ci sont appelés muches, c’est-à-dire cachettes en langage local. C’est ainsi que tout naturellement, les carrières de calcaire de Naours servant habituellement à l’extraction de la craie pour le marnage (agriculture) ou la construction sont utilisées, au fil du temps, comme refuge par la population. Puis, elles tombent peu à peu dans l’oubli.
Leur renaissance.
C’est en 1887 que l’abbé Ernest Danicourt, passionné d’archéologie, redécouvre ces carrières tout à fait par hasard. Il sensibilise alors ses paroissiens et les abris sont dégagés pour devenir, par la suite, un lieu de curiosité très prisé.
Poussons maintenant la porte du souterrain.
Le contraste de température est saisissant : 28° dehors pour seulement 9 degrés au départ du souterrain (température constante toute l’année). La fraîcheur nous tombe sur les épaules et l’on apprécie tout de suite un gilet. Munissez-vous également d’une lampe de poche, celle-ci est indispensable dans ce réseau de galeries peu éclairé. Face à nous, un grand escalier nous conduit dans le sous-sol truffé de couloirs et de cavités.
Descente dans la ville secrète.
Sa construction.
Constitué de calcaire et de strates de silex, nettement identifiable par sa couleur noire et propice à la consolidation des voûtes, le terrain est particulièrement favorable au creusement. C’est un véritable labyrinthe crée par la main de l’homme et incroyablement bien organisé qui s’étend dans le sol du plateau. Plus de deux mille personnes avec leur cheptel peuvent être accueillis ici en toute sécurité pour se protéger. Pas moins de 300 chambres sont réparties dans 28 galeries sur 2 km. Ne nous perdons pas.
Une organisation aux petits oignons.
Tout est prévu : place publique, chapelle, étables, boulangerie et même un piège pour être alerté en cas de danger. Pour tromper l’ennemi, les cheminées d’aération et de fumées débouchent en réalité dans les vraies cheminées de maisons à l’extérieur, comme celle du meunier. Et pour permettre à chacun de s’orienter facilement, les galeries portent le nom des rues du village situées juste au-dessus : rue des Loups, rue du Marais, etc. Vraiment ingénieux !
Comme des enfants.
Nous jouons les explorateurs en empruntant un véritable dédale de galeries et d’escaliers partant dans toutes les directions. Parfois, c’est un cul-de-sac et hop, nous repartons dans l’autre sens. La semi-obscurité de la cité donne aux visiteurs le sentiment d’être partis pour un jeu de pistes où l’âme des anciens habitants rode encore dans ces murs. On tombe même sur un ossuaire, mais rassurez-vous, il ne s’agit que d’os d’animaux. On se prend facilement au jeu en voulant tout découvrir. La lampe de poche fait des allers-retours dans les chambres, sur les murs et les plafonds pour en éclairer les détails. Le fil d’Ariane ici, c’est un fléchage que l’on suit en fonction des explications délivrées par notre audio-guide.
Et les graffitis ?
On y vient et on vous dit tout. Ces carrières ont traversé le temps et ont été utilisées à de nombreuses époques. C’est notamment ainsi que des soldats majoritairement Australiens, Britanniques, Canadiens et Américains de la Grande Guerre laissent des témoignages vivants de leur présence dans ces souterrains. Pour autant, ils ne sont pas les seuls. Un dessin, un nom ou un prénom, un matricule, une date : ce sont des milliers d’inscriptions écrites sur la roche au crayon ou gravées qui s’offrent à la vue des visiteurs.
D’innombrables messages.
3200 graffitis sont encore visibles sur les parois du souterrain. Certaines sont celles de personnes venues se cacher et d’autres, celles de soldats passés ici, tout comme nous en simples touristes. A l’époque, c’était un lieu à la mode servant de distraction. Des visites sont même organisées pour les soldats stationnés à quelques kilomètres des premières lignes de front. Certaines galeries ne sont pas accessibles au public en raison des recherches permettant d’identifier les soldats ayant laissé leur empreinte. Aujourd’hui, c’est la plus grande concentration de graffitis 14-18 connue à ce jour.
A vous de jouer.
Avec votre lampe cherchez-les en marchant dans les pas de l’histoire. Nous scrutons les parois pour dénicher une date la plus ancienne possible. Ce n’est pas aussi simple qu’il y parait. Certaines marques sont très hautes et ne sont pas facilement lisibles, d’autres sont partiellement effacées. Celle que nous trouvons date de 1889. Ferez-vous mieux ?
Les soldats voyageurs.
En fin de visite, le centre d’interprétation nous permet de faire connaissance avec les soldats dont l’identité a été retrouvée. De courts textes, sorte de tranches de vie, leur rendent hommage et les sortent de l’oubli. Beaucoup ont malheureusement perdu la vie au cours des combats et d’autres ont eu la chance de retourner dans leur pays. Pour chaque combattant identifié, un coquelicot rouge, hommage au sacrifice des soldats morts au combat lors de la Première Guerre Mondiale est alors placé près de sa signature.
Tout un symbole.
Crédit photo (4) Inrap