C’est à la Cité de la Mer de Cherbourg que nous avons la possibilité de visiter un sous-marin. Ce n’est pas n’importe lequel, loin de là. Il s’agit du Redoutable, le premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins, construit en France et utilisé à des fins de dissuasion nucléaire sous-marine. Lancé en 1967, il revient sur son lieu de naissance pour y prendre sa retraite après 20 années d’exercice et 10 ans passés sous l’eau. Ce géant des mers de 128 m de long est alors désarmé, dénucléarisé et aménagé pour les visites. Il devient alors le premier sous-marin nucléaire visitable au monde.
Entrons dans un sous-marin nucléaire à la retraite.
On a tous vu des films de submersibles et ils nous fascinent : « A la poursuite d’Octobre Rouge » ou « USS Alabama », mais aussi bien d’autres. Des huit clos prenants où les tensions entre les hommes montent crescendo à bord d’une coque de plusieurs tonnes en plongée. Comment vit-on à bord de ces bâtiments d’acier armés d’engins meurtriers ? C’est une immersion dans un monde totalement inconnu qui nous attend.
Équipés de notre audioguide, nous pénétrons dans le ventre de ce monstre en forme de cigare où 135 membres d’équipage partaient pour des missions de 70 jours, sans remonter à la surface. Pour la visite, nous démarrons par une ouverture spécialement aménagée près de l’hélice. Nous remonterons jusqu’au poste de pilotage en découvrant environ 80% de la surface du submersible.
La salle des machines.
Ce que l’on retient dans les grandes lignes, c’est que ce sous-marin a une autonomie quasi illimitée. Grâce à l’énergie nucléaire, il produit son électricité, l’eau potable et l’oxygène nécessaire à la vie de tout l’équipage. C’est déjà un petit bijou de technologie pour l’époque. Dans la salle des machines, l’amoncellement de fils électriques, de boîtiers, de manettes, de cadrans est frappant. On ne voit que ça. Il y en a partout dans cette coursive étroite que nous parcourons. Pourtant, on ne se sent pas oppressés, tout est en ordre dans cet espace calculé au plus juste où il n’y a pas de place perdue.
Petit coup de frisson lorsque nous traversons la tranche où étaient stockés les 18 missiles à tête nucléaire. Imaginez, chaque missile était plus puissant que la bombe d’Hiroshima, et cela fait froid dans le dos. La voix off de notre audio guide se veut néanmoins rassurante. On nous explique que différentes personnes doivent entrer des codes spécifiques pour valider la mise à feu des engins. Fort heureusement, ces armes n’ont jamais servi. On peut néanmoins s’interroger sur la puissance de feu dont disposent aujourd’hui nos 4 sous-marins de dissuasion nucléaire (Le Triomphant, le Téméraire, le Vigilant et le Terrible).
Les espaces de vie.
L’espace nuit.
Nous abordons maintenant les zones de vie personnelle et commune où nous découvrons des endroits où le confort est assuré dans les meilleures conditions possibles. Le carré des officiers est assez cossu avec un ameublement soigné, voire moderne pour son temps avec de la vaisselle raffinée que l’on ne s’attend pas à trouver dans un sous-marin. Leurs couchettes sont individuelles, juste fermées par un rideau ; il n’y a pas de porte. Les autres marins dorment dans des chambrées à plusieurs, équipées de lits superposés où chacun se ménage un petit coin personnel pour supporter au mieux la séparation d’avec ses proches.
Le coin repas.
La cafétéria est spacieuse et nous retrouvons tous les ingrédients de cette époque : tables avec plateaux en formica, bancs en simili cuir, ancien poste de télévision et des cuisines tout en inox rutilant. Cet espace est à la fois un lieu de rencontre, de détente et d’études. Sachez que le vin est autorisé à bord, mais qu’il n’y a jamais eu de problème d’alcoolisme. C’est sûr, les marins ne boivent que des sodas ! (dixit notre audioguide).
Et comme tout le monde est coincé pendant 70 jours consécutifs, un médecin chirurgien assure le traitement des bobos du corps et de l’âme. Une salle de soins, voire de chirurgie à l’occasion est installée dans le pont inférieur et un plancher de verre permet d’apercevoir un lit de consultation.
Le poste de commandement.
Nous poursuivons notre visite dans le labyrinthe des coursives et quelques escaliers pour arriver au poste de commandement. Nous sommes accueillis dans un univers teinté de rouge et ce n’est pas pour faire joli. C’est le moyen utilisé pour créer le rythme jour/nuit, la lumière devient rouge dans le sous-marin à 20 heures. Poste de pilotage, poste de commandement, périscope, toute la technologie s’étale sous nos yeux. Nous sommes dans le cœur stratégique qui permet de diriger le sous-marin. Des manettes, des cadrans, des boutons, des écouteurs et des consoles ; il y en a tant et plus qu’il faut être spécialiste pour en décoder les fonctions.
Les torpilles.
Il ne nous reste plus que la salle des torpilles à voir pour en terminer avec cette visite insolite du Redoutable. Deux engins sont encore près des tubes de lancements et ont visiblement été astiqués ; le chrome brille sous les néons.
Une expérience avec le Furtif.
Quand on est le Pacha.
Comme nous aimons bien jouer, nous ne résistons pas à prendre place devant un écran pour une simulation de pilotage à bord du Furtif. Nous somme promus Pacha de ce sous-marin virtuel en mission. Face à nous, un écran représente les fonds marins et un petit volant permet de nous diriger. A main gauche, on trouve deux boutons. Le premier permet d’utiliser les ballasts pour plonger ou remonter, le second pour augmenter ou réduire la vitesse. Et c’est tout. Notre mission de sécurité nationale est d’aller d’un point A vers un point B, dans le délai imparti de 7 minutes. Prêts ?
Pour Sylvie, voilà ce que cela donne :
- « Attention Commandant, nous sommes trop près de la surface». Qu’à cela ne tienne, un coup de ballast et le sous-marin plonge ; 150 m, 200 m, 250 m.
- « Attention Commandant, notre vitesse est trop rapide» Hop, elle réduit la vitesse et dirige le sous-marin au milieu des rochers en regardant le chrono qui tourne. Il faut suivre les flèches de direction qui s’affichent à l’écran : un coup à droite, un coup à gauche ou droit devant, tout en douceur.
- « Cap incorrect Commandant, veuillez rectifier la trajectoire» Mince, elle a raté la flèche de direction et elle réajuste le cap.
- « Attention Commandant, nous sommes trop profond» OK, elle remonte.
- « Attention Commandant, niveau sonore trop important» Flûte, elle ne sait pas quoi faire (et vous ?)
- « Attention Commandant obstacle en vue » Oups, de gros rochers se profilent à l’horizon et le sous-marin fonce droit dessus à toute vitesse.
- « Attention Commandant, notre vitesse est trop rapide » Elle ne réagit pas assez vite et va direct sur l’obstacle. Sur l’écran, on voit le sous-marin qui fait comme le Titanic, mais Le Furtif ne rentre pas en collision avec un iceberg ; il vient racler le rocher et la coque fait des étincelles. Et merde !
- « Attention Commandant, voie d’eau signalée » Aïe, c’est pas bon signe, pas moyen d’écoper.
- « La mission a échoué ». Il n’y a pas de doute, Sylvie vient de noyer tout l’équipage et le sous-marin coule.
Et pour Bernard ?
Il est très prudent, prend soin du matériel, mais échoue sa mission par manque de rapidité. Il a pourtant la satisfaction d’avoir ramené son équipage sain et sauf, lui.
Le Redoutable n’a pourtant pas livré tous ses secrets. Il nous manque la dimension humaine que seul un sous-marinier peut apporter aux visiteurs avec des anecdotes sur des tranches de vie à bord, ce que nous n’avons pas eu. Néanmoins, pendant cette visite insolite, nous découvrons un univers inimaginable où des hommes vivent en vase clos. Nous touchons alors du doigt l’environnement des sous-mariniers en mission que nous sommes loin d’imaginer.