Quand on vient en Laponie finlandaise, le rêve suprême, c’est bien sûr l’observation des aurores boréales. Mais attention, rien n’est acquis à l’avance. Pourtant quand on est là, on n’échappe pas à cette fièvre qui nous amène à affronter la froidure et à observer le ciel pour des espoirs, parfois vains. Il faut bien sûr, des conditions particulières et surtout, beaucoup de patience et de chance. Mais des fois, ça marche !
Mettre tous les atouts de son côté.
Les conditions extérieures.
Depuis notre arrivée, on n’arrête pas de nous dire « Ici, le temps change rapidement ». C’est presque un prétexte au fait que l’on ne voit rien. Pour les aurores boréales, c’est dans le ciel que tout se joue et on cherche les étoiles. Lorsqu’il est dégagé, on en voit une myriade scintiller dans la nuit. Gagné ! C’est d’excellents augures et on a de très bonnes chances de les apercevoir. Si le ciel est chargé et plombé, il vaut mieux aller se coucher. Sauf bien sûr, si l’on a envie de se faire une balade nocturne au frais.
Le lieu.
La priorité est de bannir toutes les pollutions lumineuses et trouver un bon point de vue. Alors, on s’écarte de la ville et on part en pleine nature. Tout est bon pour cette escapade : les raquettes, la motoneige, le traîneau de chiens, ou tout simplement à pied. Les aurores apparaissent soudainement, comme par surprise et s’estompent aussi vite qu’elles font irruption dans la nuit d’encre ; il faut être au bon endroit et au bon moment.
L’équipement.
Ouille ! Si la Laponie est connue pour son absence d’humidité, les températures négatives en février sont récurrentes. Alors, un petit conseil, habillez-vous ! La combinaison grand froid fournie à notre arrivée n’est pas de trop et les chaufferettes dans les moufles sont vivement conseillées. On s’emmitoufle, on se calfeutre, surtout lorsque de surcroît, la bise souffle. Là, on parle en connaissance de cause, il ne fait pas chaud, chaud.
L’application magique.
Il ne faut pas hésiter à mettre toutes les chances de son côté et un peu d’aide, ça ne fait de mal à personne. Bien au contraire. AURORA (My aurora Forecast) nous indique, notamment, l’indice Kp du moment et la probabilité d’observer ces phénomènes lumineux en un rien de temps. C’est parfois déprimant lorsque la probabilité n’est que de 2 % de chance. Alors là, c’est sans doute mieux de rester au chaud car cela risque d’être carrément râpé pour la soirée.
Première tentative.
Dès le lendemain de notre arrivée, on se lance. Départ vers 21 heures pour nous diriger vers un lac dont on ne connait même pas le nom. Des lacs gelés ici, il y en a partout, tout autour de LEVI où nous résidons. Les explications données par notre guide sont confuses, voire même foireuses. Résultat, on tourne en rond un bon moment avant de le trouver, un peu au pif au mètre. Plusieurs personnes sont déjà là et prennent leur mal en patience en s’amusant sur le lac gelé.
On regarde, on observe, on cherche.
Tout le monde traque les lueurs légèrement colorées dans le ciel qui ressemble de près ou de loin à des aurores. A tel point qu’on en voit partout, même s’il ne s’agit que de phares de voiture au lointain ! On a beau ouvrir tout grand les mirettes et croiser les doigts, il n’y a pas la plus petite étoile dans le ciel. Même pas la queue d’une ! Pas de flux magnétiques signalant des aurores boréales. Zut alors ! Après deux heures, les pieds dans la neige et le nez au vent, nous rentrons brocouilles, mais pas découragés pour autant.
Seconde tentative.
Les autres soirs de la semaine, les cieux nous narguent et n’en font qu’à leur tête. Il n’y a rien à espérer. Mais, la veille de notre départ, on y croit. On veut tellement les voir ces aurores boréales qu’on décide de rester encore plusieurs heures dehors s’il le faut. Habillés et emmitouflés de pied en cape, nous voilà prêts à affronter le froid. Nous prenons les lampes frontales pour emprunter, en pleine forêt, le chemin étroit qui nous mène à notre point d’observation.
Notre spot.
Il surplombe l’immense lac gelé d’Immeljärvi sur lequel nous sommes passés en ski de fond, deux jours auparavant. Rien à voir avec les pistes que nous pratiquons habituellement. Bref, nous tombons complètement par hasard sur ce refuge à flanc de colline, en vadrouillant dans la forêt la veille de notre chasse. Tout y est : un hangar avec des bûches, des toilettes sèches et à l’intérieur, un barbecue géant pour faire du feu et de nombreux bancs pour accueillir les promeneurs. De grandes baies vitrées permettent d’admirer le paysage tout en restant au chaud. Le top du top !
La forêt.
Seuls au milieu d’un paysage nocturne fabuleux, le silence nous enveloppe et nous scrutons l’obscurité. Nous voilà transformés en trappeurs à la recherche d’un gibier bien particulier. Même si nous ne voyons pas d’aurores boréales, la balade à elle seule vaut le détour. Ce noir quasi total est un peu perturbant. Comme il paraît que des gloutons et des ours vivent dans les forêts lapones, Sylvie traque le moindre bruit suspect. Relax, ce n’est pas le moment de se faire peur.
On patiente encore et encore.
Nous y voilà. On se met au chaud à l’intérieur et on sort de temps en temps pour inspecter le ciel. Chic, quelques étoiles apparaissent au-dessus de nos têtes. Que dit notre application magique : seulement 9%. Bon, là, c’est pas l’optimisme débordant. Du coup, autant rentrer avec quelques bûches pour alimenter le foyer et patienter. Plusieurs personnes se réchauffent dans la cahutte où, il faut bien le dire, nous sommes enfumés comme des rats. D’autres ont fait un feu à l’extérieur et font griller des saucisses au bout d’un pic télescopique. L’ambiance est chaleureuse et décontractée, rien ne presse, on a tout notre temps.
On y croit dur comme fer.
L’indice de notre application grimpe doucement, mais sûrement. 12%, 14 %. Dehors, on aperçoit maintenant quelques étoiles entre les nuages, alors qu’il n’y avait rien cinq minutes auparavant. Patience. Au fil des heures, notre groupe s’agrandit et nous sommes maintenant une dizaine à observer le ciel, avec la plus grande attention. Tout le monde est sur le qui-vive. Si une aurore pointe le bout de son nez pendant que nous nous réchauffons, nous le saurons tout de suite.
Elles sont là !
D’un seul coup, c’est la frénésie. Tout le monde s’agite et montre du doigt un point à l’horizon. Cette fois, on les a. Il y a un reflet brumeux, comme un voile légèrement verdâtre flottant au loin, se déplaçant en ondulant. Vite, les photos ! Sylvie s’emmêle les pinceaux et sur son appareil, que dalle. Bernard programme aux petits oignons le sien et c’est gagné. On voit bien le vert des phénomènes lumineux atmosphériques. Ce ne sont pas des arabesques d’une grande ampleur, mais on saute sur place comme des mômes. Nous avons trouvé notre Graal et çà, c’est énorme !
Nous rentrons le cœur léger, avec des aurores boréales dans les yeux. A tel point que la morsure du froid ne nous atteint même pas et que le chemin du retour nous semble très court. Franchement, nous sommes sur un petit nuage, tellement heureux. Encore un rêve de réalisé !
Crédit photo (1) David Mark