Bangkok – Kanchanaburi, c’est tout au plus 3 heures de train pour aller voir le célèbre pont, immortalisé par un film du même nom de David Lean et tiré du livre de Pierre Boulle. Notre génération connait bien Le pont de la rivière Kwai et sa bande son, sans doute l’une des plus célèbres du cinéma. Le fameux air sifflé par les soldats placés sous le commandement du Colonel Nicholson incarné par Alec Guiness « Hello, le soleil brille » reste dans tous les esprits. On ne sait pas siffler, qu’importe, on la fredonne cette chanson qui nous renvoie à des images de camps de prisonniers de guerre et de l’illustre pont de bois. Pourtant, la réalité dépasse de loin le film et à l’époque, ce n’était malheureusement pas du cinéma.
Retour sur l’histoire du pont.
L’origine.
Cette ligne de chemin de fer de 415 km le long de la rivière Kwai, de Bangkok (capitale thaïlandaise) à Rangoon (capitale birmane) est construite pour le transport de matériel et d’hommes de l’armée japonaise. Pour ce faire, il faut traverser des jungles inextricables et marécageuses, ainsi que des montagnes. Le discours du lieutenant-colonel Nagatomo Yoshidata adressé aux prisonniers de guerre en 1942 est sans ambiguïté. « Qui ne travaillera pas, ne mangera pas (..) Beaucoup d’entre vous ne reverront jamais leur foyer. Nous construirons la ligne, même si nous devons la faire passer sur le corps de l’homme blanc. » Ce ne sont pas de vains mots.
L’enfer.
Les conditions de vie et de travail sont abominables ; persécutions, humiliations, maladies, malnutrition et violence sont le lot quotidien des travailleurs forcés et des soldats-esclaves de cette ligne dans l’enfer de la jungle. Commencée en 1942, elle est terminée en 1943 en seulement 16 mois. Les hommes paient un lourd tribut sur ce chemin de fer de la mort. Pas moins de 90 000 morts parmi les travailleurs forcés, non seulement des prisonniers de guerre occidentaux (officiers britanniques, australiens, néerlandais et américains), mais également les coolies asiatiques dans ce voyage au bout de l’horreur. Ce pont est finalement bombardé et détruit par l’aviation britannique.
Le cimetière militaire où reposent 7000 corps de soldats alliés prisonniers, le mémorial de guerre japonais, le mémorial de Chong Kai consacré aux prisonniers du camp avec 1750 corps pour que personne ne les oublie, sont autant de témoignages de cette période tragique.
Le pont aujourd’hui.
Après avoir randonné une grande partie de la journée dans les chutes d’Erawan, nous retournons sur le pont, découvert à l’arrache la veille, lors de notre arrivée. Il y a pas mal de monde en soirée qui déambule un peu partout. De nombreux visiteurs sont venus le contempler et le traverser à pied, tout comme nous. Ne vous attendez pas à voir un pont en bois, il n’existe plus depuis longtemps. Aujourd’hui, il est maintenant fait de béton et d’acier, mais c’est malgré tout quelque chose d’être là, surtout lorsque l’on connait sa triste histoire.
Nous croisons un vieux couple accompagné d’un ancien soldat arborant une décoration sur sa veste et coiffé d’un chapeau de cowboy. Cela nous fait sourire et attire forcément le regard. La vieille dame essaie de prendre des photos avec son téléphone portable, mais visiblement cela lui pose problème. Sylvie lui propose de l’aide, puis nous nous éclipsons. Nous les retrouvons à nouveau quelque temps après sur la place où ils nous font signe. Ils nous cherchaient pour faire une photo souvenir avec nous et sont ravis de prendre la pose à nos côtés. N’allez surtout pas croire que Sylvie a tapé dans l’œil du vieux soldat, il nous dit avoir 90 ans !
Une invitation inattendue.
C’est alors qu’un jeune homme chinois nous aborde « Vous êtes étrangers, avez-vous votre passeport sur vous ? » » Oui, bien sûr » « Allez là-bas, on vous donne des billets gratuits pour le spectacle ». Alors, c’est quoi exactement ce spectacle ? Sachez que l’office du Tourisme de Thaïlande de Kanchanaburi organise chaque année, une semaine dédiée au pont de la rivière Kwai pour promouvoir le tourisme national et international. On l’appelle la River Kwai bridge week et elle a lieu chaque année en novembre et/ou décembre. Cela coïncide pile-poil avec notre venue, et c’est un parfait hasard.
Une plongée dans l’histoire en sons et lumières.
Tout y passe avec des scènes de batailles plus vraies que nature. Des avions/drones bombardent, une locomotive d’époque traverse le pont en feu, les rayons laser colorés illuminent le ciel et virevoltent dans tous les sens avec des bruitages synchronisés. Les effets sonores et pyrotechniques nous plongent au cœur de la guerre jusqu’à la destruction du pont. La population locale s’est également mobilisée et s’improvise en acteurs pour former des tableaux vivants et illustrer les propos (en anglais) du narrateur. Ils se prennent au jeu : combats entre Britanniques et Japonais, captifs les mains sur la tête, travaux forcés,… tout y est. Au loin, un écran géant projette des images percutantes d’archives en noir et blanc : des prisonniers squelettiques, le pont de bois, l’ancienne locomotive, des soldats, le camp, la guerre…. Certaines sont poignantes et nous renvoient à une triste réalité, loin dans le temps.
Et si vous n’en n’avez pas encore assez et si vous êtes curieux, de l’autre côté du pont, on peut voir d’anciens véhicules militaires, un mirador, des photos,… ayant trait à cet épisode de l’histoire.
C’est un travail remarquable. Avec cette reconstitution nocturne, nous sommes au cœur de l’histoire du Pont de la rivière Kwai. C’est fantastique.
Crédit photo : (2) Lacote