Après un petite escapade au Luxembourg, l’envie nous prend d’aller faire du vélo au bord de la Meuse et Sedan se trouve sur notre route. Mais au fait, qu’y a-t-il donc à voir là-bas ? Rien moins que le plus grand château fort d’Europe. Mazette, il nous faut voir ça.
Quand tout a commencé.
En l’an 1420, le sieur Evrard de la Marck, un riche seigneur prend la décision de construire un château fort. Cela semble banal, mais c’est le début d’une longue histoire où les lignées des deux familles princières de l’époque (les La Marck et les La Tour Turenne) ont laissé leurs empreintes. Cinq générations différentes de fortifications voient ainsi le jour ; chacun des possesseurs mettant sa marque architecturale et modernisant les défenses de l’édifice.
Les boulets ne sont plus en pierre, mais en fonte : on rigole. Qu’à cela ne tienne, on agrandit certains murs qui deviennent des remparts de 26 m de large et en terrasse, sil vous plaît, pour manœuvrer les canons. Et ce n’est qu’un exemple. On ne détruit pas ce que le précédent propriétaire a construit, on rajoute autour de l’existant, ce qui donne au château une construction atypique. C’est ainsi qu’au fil du temps, il est devenu un colosse de pierre qui a pleinement joué son rôle dissuasif : personne ne s’y est réellement frotté, car c’est une véritable forteresse.
Après les hors-d’œuvre, passons au plat de résistance.
Le Château fort.
Si les remparts extérieurs sont impressionnants, nous n’imaginons pas une seconde ce qu’il y a à l’intérieur et lorsque nous franchissons la porte d’entrée, c’est : Ah oui, quand même ! Nous sommes bluffés, ce majestueux château en impose sans toutefois nous écraser.
C’est un vrai parcours dans la vie d’une forteresse que nous traversons. Ici la salle des gardes, là les appartements princiers ou encore les tours avec une vue imprenable sur la ville. On monte, on descend et l’on emprunte des couloirs étroits. On passe de l’ombre à la lumière en parcourant l’histoire. C’est d’ailleurs dans ces murs qu’Henri de la Tour d’Auvergne, appelé Turenne naquit. On le savait bien, tout de suite cela vous parle et vos anciens cours d’histoire refont surface. Notre Turenne, Maréchal de France, homme de guerre ne nous est pas inconnu et en plus, il est bel homme. Mais oui, nous voyons son buste en plâtre noir ; avec sa petite moustache, sa barbichette et sa perruque bouclée, il a fière allure le bougre.
Quelques saynètes avec des personnages costumés reconstituent la vie à l’intérieur du château et agrémentent le circuit. Point trop non plus pour ne pas lasser le visiteur. Le parcours est bien étudié et la visite est aussi plaisante qu’instructive.
C’est ainsi que nous apprenons l’origine de certaines expressions ou façons de faire de l’époque. Allez, on vous fait profiter !
Au fait, le savez-vous ?
Passer l’arme à gauche.
L’expression vient du Moyen-âge et s’appuie sur un détail des escaliers en colimaçon qui tournent dans le sens des aiguilles d’une montre. Partant du principe que la majorité des personnes sont droitières, en cas d’attaque, celui qui est en haut de l’escalier et qui descend a tout le côté droit, tant pour dégainer que pour se battre. Et pour ceux qui montent, pas de chance, ils sont gênés par la colonne centrale. Aussi pour avoir autant de champ que leurs adversaires, ils doivent passer l’arme dans leur main gauche. Ainsi diminués, ils ont donc plus de chance d’être occis et de trépasser. La leçon a retenir, c’est qu’il vaut mieux descendre que monter l’escalier, pas vrai ?
Utilisation de l’arbalète.
A l’époque de ce charmant engin, les nobles et le clergé réprouvent son utilisation, car ce n’est pas chevaleresque de tuer de manière sournoise. Les chevaliers la jugent déloyale et le clergé immorale. Pour sûr, on n’entend pas venir le trait et pour le tireur embusqué cela ne demande ni courage ni formation particulière contre un adversaire qui ne peut pas se défendre. Quels faux-culs quand même, comme s’il y avait une manière élégante de tuer que ce soit avec cette arme ou une autre !
Battre monnaie.
Parlons gros sous, puisque c’est le nerf de la guerre. A l’apogée de leur puissance, les Princes de Sedan commencent à battre monnaie pour exporter leur prestige et asseoir leur souveraineté. Cela fait bien d’avoir son nom sur des pièces en cuivre, en argent ou en billon (alliage de cuivre et d’argent). Mais comme chacun sait, l’argent attise les convoitises et il y a de nombreux trafics. A l’époque, il y a même un Maître de la Monnaie qui est pendu pour avoir fabriqué de fausses pièces. Un Prince s’y met également en fraudant sur le poids, le titre et la matière des pièces. Sauf que lui, il n’a pas été pendu et il a mis tous les bénéfices de son trafic dans sa poche pour financer en partie des complots politiques. Il n’y a pas de morale, ma bonne dame !
Ce château est une vraie belle découverte à consommer sans modération. Nous y passons plus de deux heures sans voir défiler le temps et sans nous ennuyer une seule seconde. Ce n’est pas un signe ça ? Il tient ses promesses haut la main et remplit pleinement son contrat. Et si vous aimez les remparts, Rocroy est à un saut de puce, ne les manquez pas !