On présente souvent Khaosan Road comme La Mecque des backpackers et autres voyageurs à petit budget de part le monde, et pour ceux qui se rendent en Thaïlande et à Bangkok en particulier. Sa réputation n’est depuis fort longtemps plus à faire. Fallait-il un roman d’Alex Garland pour l’imprimer davantage, qui sait. Tout le monde afflue pour y trouver des logements bon marché, des excursions à bas prix vers les quatre coins du pays, des bars et des restaurants dans un univers décontracté et festif. Situé dans le quartier de Banglumpoo, cette rue finalement pas si grande devient le dénominateur commun de toute une jeunesse partie sur les routes et qui a échoué là. On ne se rend plus à Bangkok ou à Banglumpoo, mais à Khaosan.
Entre les stands de rue, de bouffe, les scooters qui se faufilent sous une clameur perpétuelle et bruyante, on peine parfois à déguster sa crêpe ou son pancake banane sans s’étouffer. On se bouscule, non, on vit, et on se moque parfois de tous ces corps fraîchement tatoués et de tous ces autres allongés là sous la mitraille de doigts experts, comme en vitrine devant la foule.
Cet endroit, on ne l’aimera pas toujours, mais, on ne le détestera pas à chaque fois.
Ainsi, malgré toutes les sollicitations des différents voyageurs de notre guesthouse pour faire avec eux le Nouvel An à Chinatown, et vu le peu de temps qu’on passait à Bongkok, il était évident qu’on éviterait pas l’incontournable Khaosan.
Une fête pas comme les autres?
Déjà, précisons qu’il s’agit bien du réveillon de la Saint-Sylvestre, le Nouvel An international quoi, ce dont les thaïlandais se foutent allégrement, sauf à contenter leurs visiteurs parfois bien trop enjoués. Il n’est d’ailleurs pas rare de croiser, à Bangkok, des banderoles Happy New Year, et autres restants de décorations de Noël. Si la précision est d’importance, c’est évidemment parce que le Nouvel An thaï, le Songkran (Nouvel An bouddhique du 12 au 15 avril), vaut bien le voyage à lui tout seul. Aux « Sawadee Pee Maï » lancés à tous les quidams, on ne récolte que sourires et salves à vous noyer sous les flots, pour notre plus grand plaisir, car la ville devient le théâtre d’une gigantesque bataille d’eau, tout particulièrement dans, et autour du quartier de Khaosan Road.
Là, non. On réveillonne dehors, aucun risque de se prendre du liquide sur le dos, sauf celui d’une australienne déchirée qui maîtrise peu la prise de sa bouteille de bière dans de grands gestes mal assurés.
Mais, ne noircissons pas trop le tableau, un réveillon à Khaosan c’est encore et davantage bien autre chose. Véritable rendez-vous des fêtards en temps normal, le caractère particulier de la soirée voit affluer ici une jeunesse prête à se donner corps et âme dans les réjouissances d’un décompte célébré depuis plusieurs heures déjà. Les voyageurs du monde entier sont là. Toutes les nationalités se retrouvent et se rencontrent, dans une ambiance qui n’est pas forcément suspendue entre la première seconde et la première heure d’une année qui commence. Exceptionnel ce Nouvel An? C’est une grande fête, et l’atmosphère est chaude, magnifiée par le contraste que l’on connaît de nos contrées. Ne vous en faites donc pas toute une histoire, mais si vous y passez le meilleur réveillon de votre vie, alors tant mieux.
Un DJ assure le show, et fait monter la température d’une foule alcoolisée déjà acquise. Les esprits chagrins s’en contenteront, on est certes très loin d’un set de Maceo Plex à la closing des Nuits Sonores. Mais, n’ayez crainte on l’a dit, l’ambiance est festive, chaleureuse, et devant l’écran géant du compte à rebours où les secondes s’égrainent, c’est une forêt de smartphones qui sort de terre dont les troncs sont des bras chancelants. Ils enverront surement le passage du témoin, ou inversement, un selfie peut-être, à tous ceux qui n’ont pas connu le douzième coup de minuit à Khaosan.
C’est ce que j’ai fait de mes vœux, avec 6 heures d’avance, à quelques dizaines de mètres de là.
L’alternative Ram Buttri.
Cette rue parallèle à Khaosan Road offre une ambiance plus relâchée et posée, c’est l’envers lounge de sa frénétique voisine. Quelques boutiques, mais surtout des bars et des restaurants jalonnent une rue d’un seul côté (dans la partie à l’est de Chakrabongse Road), dont on oublierait presque qu’elle n’est pas piétonne, tant les véhicules motorisés ne sont pas légion. Les terrasses s’étalent le long d’un mur entre les quelques arbres où s’accrochent les fils qui soutiennent une myriade de lanternes et de lampions multicolores, n’attendant plus que la nuit. La musique se fait entendre d’un peu partout.
C’est donc ici, après une brève déambulation pré-champagne sur Khaosan, qu’on a décidé de trinquer à la nouvelle année, sur la terrasse du Sawasdee. Rien d’extraordinaire ni de mirobolant, le gros de la fête était ailleurs, mais ça nous a suffit. Une jeune serveuse était aux petits soins pour nous, parfois maladroite, mais si volontaire. Elle piquait les bougies des tables voisines pour nous les apporter, et créer cette ambiance si romantique qui ne manquait pourtant pas à cette soirée. Avec un bracelet « I ♥ Pussy » acheté à une vendeuse de rues, mon aventurière avait déjà placé la barre très haut en la matière. Le témoignage de son amour ne devait quitter mon poignet que plusieurs semaines après, quant au sortir d’un entretien une petite voix vint me rappeler que les vacances étaient bel et bien finies.
No private joke, filer droit, la fermer, être sérieux. Non, vraiment, la Thaïlande, c’était bien mieux.
Derrière nous les regrets d’une année qui fait peau neuve avec la nouvelle. On monte dans un taxi meter qui nous fait un prix fixe sans nous prévenir au cas elle aime. Le mec éteint son compteur, sans pression, on se demande pourquoi et on oublie l’ignoble scélératesse. Les lumières de Bangkok ont quelque chose d’hypnotisant. On touche alors du doigt le début d’une aventure qu’on va vivre à 100 à l’heure. Non, on l’embrasse à pleine bouche, on lui fait l’amour comme s’il ne devait jamais plus y avoir de lendemain, alors qu’on rentre se coucher. C’est qu’il fait chaud dans cette cabine. Un peu éméché, on démarre l’année en se faisant doucement blouser, pour ce qui sera le point de départ d’une belle histoire avec les taxis thaïlandais (qu’il s’agisse de Chang Mai, ou de Sukhothaï), et notre premier voyage en mode baroudeur, ensemble.
Le temps de dormir quelques heures, nous aurons largement le loisir de voir l’aube se lever. Tout à l’heure, nous prenons le train pour Ayutthaya.
Crédits photo: iStock (en-tête), Tina Sauwens, Angel Garrido Aldea.
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