Pour éviter de saturer avec tous les temples du site d’Angkor, nous faisons une pause pour aller découvrir le village de Kampong Phluk (ou Kompong Phluk) sur pilotis, semble-t-il encore préservé du tourisme de masse. C’est déjà toute une aventure pour nous y rendre. Et pour cause, nous cahotons pendant des kilomètres sur une piste de terre rouge particulièrement pénible et poussiéreuse. La route est complètement merdique et notre tuk-tuk dont les sièges inconfortables sont rembourrés avec des noyaux de pêche ne nous ménage pas. Arrivés à la billetterie, il nous est remis des masques chirurgicaux pour nous protéger le nez. Ce n’est pas du luxe car on a du mal à respirer et la Covid19, encore inconnue n’en est pas la responsable. On ne la connait pas encore, elle ne fera son apparition que trois mois plus tard.
On arrive quand ?
Avec le rouge de la terre et le vert tendre des rizières, les contrastes sont frappants et donnent une impression surréaliste aux paysages qui nous entourent. Cela donne du caractère à ces plaines où les paysans que l’on aperçoit dans leurs champs ne sont que quelques points isolés parmi ces vastes étendues. Les cultures que nous traversons cahin-caha s’étendent à perte de vue. Mais où sont donc ces fameuses maisons sur pilotis ? Encore un peu de patience. Nous apercevons maintenant les nombreuses embarcations entassées le long de la berge sur plusieurs rangs qui attendent gentiment les visiteurs. En pleine saison touristique, cela doit être infernal. Néanmoins, il n’y a pas de cohue, mi décembre les touristes ne sont pas encore arrivés et nous n’en croisons aucun. Nous sommes seuls à bord de notre bateau artisanal et avons donc tout loisir pour choisir notre place et en changer selon nos envies. C’est tout un art pour se dégager de cette masse. Notre jeune pilote joue des bras et des pieds pour pousser ses voisins ; c’est visiblement la tactique d’usage pour s’en sortir.
Le village flottant.
La rivière est sinueuse et nous croisons des pêcheurs lançant leur filet lorsqu’au détour d’un méandre, nous apercevons comme une forêt de poteaux sur lesquels se dressent des maisons aux toits de tôle ondulée. Cette vision est aussi inattendue que spectaculaire, nous n’imaginions pas du tout ça. Les piliers font 6 à 8 mètres de haut et forment une jungle presque inextricable. Tous ces morceaux de bois entrecroisés sur plusieurs niveaux, avec des échelles pour y accéder semblent pourtant très ordonnés. Il y en a des deux côtés du fleuve. D’un seul coup, nous sommes transportés ailleurs et restons complètement baba devant ce genre de constructions si singulières. Nous ne faisons que passer et filons vers le lac Tonlé Sap en croisant des bateaux de pêche. En tout cas, c’est presque un village fantôme que nous traversons. Nous apercevons juste quelques hommes occupés à réparer des filets de pêche et quelques enfants. Les autres villageois sont sans doute tout là-haut, à l’intérieur de leurs maisons, mais nous ne les voyons pas.
Pourquoi être si haut perché ?
On a du mal à imaginer que l’eau puisse monter à une telle hauteur. Et pourtant, il s’agit d’un phénomène naturel lié à la présence du lac Tonlé Sap à côté du fleuve. Pour comprendre, juste quelques chiffres qui nous ont impressionnés . A la saison des pluies de juin à septembre, le lac se remplit par l’eau du Mékong et atteint 14 mètres de profondeur pour une superficie de 10 000 km2. Alors que de novembre à mai, période sèche, il n’est plus que de 2 m de profondeur et ne s’étend plus que sur 3000 km2. Un grand écart, tout simplement incroyable !
Nous rejoignons une plateforme sur le lac pour une petite virée au milieu de la forêt inondée. A peine arrivés, nous n’avons pas le temps de dire ouf. On nous saute dessus pour récupérer le prix de l’excursion et nous imposer d’aller boire un café à un prix faramineux, sans nous rendre la monnaie. Holà, pas si vite ! Nous déclinons l’offre pour le café, pour nous ce sera juste la balade sur l’eau. Bernard récupère alors nos sous dans la main de l’encaisseur très surpris, voire médusé par notre refus.
Flânerie dans la forêt inondée.
La fillette de 10 ans qui accompagne sa grand-mère est très loquace. Elle veut parler anglais et profite de notre présence pour nous faire passer un interrogatoire en règle. Nous nous prêtons au jeu : Vous habitez où ? C’est loin ? C’est quoi votre prénom? Moi, je joue au football, vous aussi ?… Cette charmante pipelette fait sourire d’indulgence sa mamie, visiblement sous le charme de sa petite fille qui jacasse comme une pie. Une demi heure, cela passe très vite, mais cet intermède au milieu des arbres où filtrent les rayons du soleil est reposant. Le côté mercantile ne nous échappe pas après un passage obligé vers des femmes avec leurs petits en bas âge. Bien installées sur leurs barques, elles vendent des cahiers et des stylos pour les enfants de la communauté, ainsi que différents paquets de gâteaux. A nous les biscuits pour combler un petit creux !
Le retour.
Nous ne faisons pas d’arrêt dans le village et le bateau revient à son point de départ pour retrouver notre chauffeur. C’est reparti pour un tour et on ressort bien vite le masque de nos poches, outil indispensable pour se protéger le nez. Nos vêtements ne sont malheureusement pas épargnés et la chemisette blanche de Bernard n’est plus qu’un lointain souvenir à notre arrivée.