Comment foirer son carnet de voyage.

scrap book

Au départ, l’idée de réaliser un carnet de voyage ou un journal de bord vient souvent de l’envie d’immortaliser un sentiment, une émotion, au travers un dessin ou de quelques mots, à l’appui d’une photo parfois, d’une pensée toujours. C’est également l’occasion, jamais déplaisante au fond, de se replonger dans nos souvenirs, raviver les sensations passées pour prolonger cette essence, son voyage. C’est d’ailleurs très égoïstement la même raison pour laquelle je rédige mes articles sur ce blog, c’est davantage un prétexte pour revivre mes aventures, que la poursuite d’un dessein purement philanthrope, dont les contours d’ailleurs m’échappent. Vous donner quelques combines pour réussir un joli carnet de voyage? Soyons sérieux, faire de la merde c’est déjà tout un art, mais le faire bien, ça demande du panache.

En 10 points, qui comptent pour 8, ou pour 12.

  • Choisir un carnet inadapté.

Selon qu’on en fasse un journal, ou un véritable carnet de croquis, on a sensiblement des aspirations différentes, la finalité ne sera pas nécessairement la même, sauf à mal s’y prendre. Si le format A5 reste le carnet de voyage le plus polyvalent, en choisir un trop petit c’est l’assurance de ressentir pas mal de frustrations, idem lorsqu’il n’a pas assez de feuilles, que les lignes vous gênent ou vous manquent.

Le petit plus, des feuilles qui ne sont pas lisses. Un calvaire pour écrire et griffonner, une aubaine pour se dégoûter de l’utiliser. On recommande, évidemment.

  • Avoir trop, ou pas assez, de fournitures.

Quand on se trimbale avec une trousse plus grosse que le cartable d’un premier semestre de collège d’un 6ème, on se dit qu’on a emprunté le seul chemin qui mène à la banqueroute. On s’encombre, on s’alourdit, on s’en veut, mais on est bien. Pareil lorsqu’on oublie la moitié de ses fournitures, mais là, il faut faire attention à ne pas sombrer dans la facilité ni même la tentation: racheter ce qu’on a oublié. Non, on se débrouille avec ce qu’on a.

Omissions fréquentes: colle, petite paire de ciseaux et réelle motivation.

  • Ne pas du tout savoir dessiner ou faire de croquis.

Se décourager d’entreprendre quoi que ce soit, et s’arrêter à cette étape, c’est passer à côté d’une réalisation probablement bâclée, de l’opportunité de tout merder, et ça, c’est la jouer petit bras. N’avoir aucun talent en dessin n’est en la matière pas une tare, c’est une bénédiction. Un gribouillis de maternelle censé représenter le dôme de Santa Maria Del Fiore, n’est-ce pas cela, l’art véritable? Vous êtes un artiste et vous ne le saviez pas, pire, vous ne l’auriez peut-être jamais su, quelle infamie. Alors autant se lancer.

Et puis d’abord carnet de voyage n’a jamais été synonyme de carnet de croquis. On n’est pas forcé de dessiner, on peut aussi très mal écrire. Regardez, moi. On peut même faire les deux, ou faire semblant de faire les deux. Mon aventurière en la matière est ingénieuse, elle triche. Elle colle tout un tas de choses découpées ici ou là, plusieurs stickers qu’elle achète avant de partir ou qui lui plaisent une fois sur place, souvent dans des boutiques à touristes. C’est son truc. Elle ne sait pas dessiner, elle utilise des subterfuges, et préfère l’écriture.

  • L’oublier, ne jamais l’ouvrir, ou voir sa réalisation comme une corvée.

Ça peut être la conséquence de tout un tas de choses, souvent pour de très mauvaises raisons qu’on s’évertuera à faire passer pour de très bonnes. On applaudit la mauvaise foi parce que ça ne mange pas de pain et que ça fait toujours plaisir. La fatigue qui en réalité s’appelle procrastination: « j’le ferai demain, je suis un peu crevé là… » L’aveuglement qui en réalité s’appelle déni: « Non je ne vois pas cette trousse qui prend la moitié de mon sac, je ne sais pas quelle est son utilité… » et les objectifs inatteignables qui font qu’on s’est promis d’écrire/dessiner chaque jour: « C’est bon, j’suis plus à l’école, pourquoi devrais-je faire des devoirs de vacances? »

Notez qu’ici on parle souvent de conversation intérieure, puisqu’en réalité rien vous oblige à quoique ce soi. Se mentir à soi-même, vous voyez, se prendre pour un con en croyant qu’on va réussir à se berner soi-même. C’est un sport, n’ayez pas peur de pratiquer, c’est comme ça qu’on devient bon.

  • Attendre les temps morts pour écrire.

Il faut tout simplement prendre le temps, saisir chaque opportunité, se créer les occasions quand on pense en manquer, faire un appel dans le dos de la défense, hop, petit pond, enchaînement frappe croisée, but.

  • Omettre les incongruités du quotidien du voyageur.

Les anecdotes gênantes méritent d’être racontées et ont largement leur place dans un carnet. Au présent, elles sont une expérience souvent douloureuse, mais au passé elles deviennent l’occasion d’une bonne poilade, une anecdote croustillante ou un peu crade et toujours un bon souvenir, parce qu’on connaît la fin heureuse. Oublier ces petits détails c’est se couper d’une tranche de vie, d’une franche inspiration.

Plus globalement, l’autocensure ça vaut pour l’appareil d’État, mais pas pour vous, et surtout pas dans le ressenti que vous tirez de vos voyages. La perception que vous aviez de votre destination était erronée? Parfait. Vous aviez tout un tas de préjugés dégueulasses? C’est encore mieux, notez-les, et vous aurez le privilège de vous rendre compte à quel point vous étiez un odieux connard, ou un idéaliste patenté. Rien de grave, puisque rien ne vaut l’expérience.

  • Se surestimer.

C’est important de prendre la confiance. Laisser des blancs dans son carnet en pensant qu’on va y revenir, c’est faire un pas vers le néant, vers l’oubli, et ça c’est beau. Lorsqu’on apporte trop de crédit à sa motivation du moment, qu’on s’imagine qu’une fois rentré celle-ci sera toujours présente et qu’on pourra parfaire les choses, c’est non seulement faire preuve de naïveté, mais c’est en plus laisser un témoignage de ses errances, de son échec.

Parce que ta motivation, elle, n’est jamais rentrée. Elle se la coule douce, elle danse sur tous les mots que tu n’écriras jamais et te pointe du doigt. Regarde, je suis là, dans ce vide infini, tu peux m’appeler syndrome ou fainéantise, j’ai la couleur de la pureté d’une jeune mariée.

Alors si en plus tu notes au crayon à papier ce qui est censé remplir ce blanc, tu réalises un plantage 3 étoiles.

appareil argentique

  • Se le partager quand tu voyages en couple, et que l’un des deux est beaucoup trop chaud sur la réalisation de ce putain de carnet.

Déjà ton carnet c’est comme ton slip, c’est le tien, tu le prêtes pas, surtout si t’en n’as pas de rechange. On n’a pas non plus été élevé dans une porcherie, non mais oh!

C’est dur, mais je préfère être radical. Écrire à deux c’est le merdier, et donc une occasion à saisir. On n’a pas le même rythme d’écriture, pas la même approche du carnet, pas les mêmes envies, pas les mêmes moments d’inspirations ou alors ceux-ci se chevauchent. Parfois on n’a juste pas le goût quand l’autre voudrait te l’imposer. C’est idéal pour un peu pourrir l’ambiance du voyage, créer des tensions qui n’ont pas lieu d’être.

Faire de votre carnet un objet de discorde, c’est peut-être ça la clé.

  • Ne pas désespérer, et se dire qu’on peut toujours faire pire.

Votre premier carnet de voyage est une réussite? Manque de bol, vous auriez pu le foirer avec la chance du débutant, mais ce n’est que partie remise.

Après la Thaïlande, on s’est planté sur le Transsibérien. On avait pris soin de lister tout ce qui n’allait pas la première fois pour s’inspirer, trouver de nouvelles foirades. On a cru faillir, mais on a tenu bon. On a fini par le louper, bien comme il faut.

  • Ne pas apprendre de ses erreurs en foirant le deuxième, et les suivants.

C’est un sentiment incroyable, c’est un peu la consécration. À ce stade-là nous n’avons plus de conseils à vous donner, vous êtes devenu un Maître dans l’art de merder proprement votre carnet de voyage. Alors bravo, tout simplement. Attention toutefois, ne tombez pas dans la facilité en réussissant un carnet de voyage presque impeccablement dans sa totalité. Non, de grâce faites au moins une grosse rature, déchirez une feuille même vierge, ou écornez au moins un coin… c’est là que réside enfin l’espoir.

Si, finalement, tout vous a réussi, perdez-le. C’est tout ce qu’on vous souhaite.

Quelques exemples d’un carnet raté, inachevé et sale… mais c’est aussi ce qui le rend si génial.

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On décrit ici un moment fort de notre voyage, un taxi pour Chiang Mai.

Crédits photo: (1&2) DariuszSankowski.

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