Confiné dans mon smartphone.

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Journal de bord pendant une pandémie, en un seul et unique épisode.

Confinement, Jour X.

 

Puisque le monde s’affole, les notifications sur mon smartphone aussi.

Il y a de la folie dans mes contacts, de la tempête sur les réseaux.

Ils parlent de changements profonds à venir en exhibant leur confinement. Ils témoignent, peut-être malgré eux, qu’ils ont embrassé depuis longtemps cette mouvance où le regard de l’autre ne sera jamais rien qu’un regard fantasmé sur soi-même. Alors ils se font donneurs de leçons, se fondent sur l’immaculée blancheur de la blouse d’un épidémiologiste nouveau-né, qui porterait leur propre nom, et deviennent le porte-voix des JT de Fox News et BMF TV. S’il y a plus anxiogène ailleurs, ils s’y trouveront, là où la peur ne souffre d’aucune nuance en martelant la même condamnation. Vous êtes coupables, mais moi, non.

Une vaine harangue.

La fatalité cannibale d’un avenir d’apocalypse qui se décline en quelques caractères, une story bien indécente ou de fumeuses théories. Devant leur reflet, ils voient l’image de quelqu’un qu’ils n’ont plus envie d’être, mais l’oublieront.

Une veine exsangue.

Et asséchée par la camarde. Elle bat le rythme pour faire chanter les échafauds que la vindicte emportera par milliers. C’est un présent qui empeste, le virus est dans l’air, dans mon smartphone.

DM. Twitter dégouline.

Facebook se met à espérer. Mollement. Cinq « j’aime ».

WhatsApp regarde le fil où nos amitiés se décousent.

Un groupe de discussion, quelques amis, avec des inquiétudes qui éclatent dont on craignait déceler la source. Un fracas immonde, une brèche, une silhouette inconnue. C’est devenu la tribune où l’on rumine ce qui ne tarit pas puisque la discussion est elle-même confinée. Elle se nourrit avec voracité de sa propre chair négative, où comme toujours le partage de l’ignorance se pare d’atours souvent dangereux. On blâme tout le monde puisque tout le monde est à blâmer, à tort ou à raison. Lire 500 messages de ce type par jour c’était devenu beaucoup trop de temps sacrifié sur l’autel d’une bonne lecture. J’ai donc ouvert un livre, Colum MacCann, Les saisons de la nuit, et refermé cette discussion, car à bien des égards, peut-être tous, elle était inutile avant même qu’elle ne débute.

Et si elle était un exutoire pour certains, qu’ils fassent ce deal avec les autres. Alors moi, lorsque j’ai eu fini de lire mon livre, j’en ai ouvert un autre, que j’avais déjà lu. Sur la route, de Kerouac, un fol espoir vers l’infini, celui d’y retourner puisque je n’oublie pas le voyage, mais qu’en ces temps de pandémie, je ne m’évade que dans les livres.

Et mon smartphone?

En écran de veille, posé, là, sur la table. Attends, je vérifie. Toutes les notifications sont bien désactivées. Batterie, 2%…

 

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Crédits photo: (1) iStock; (2) Alessio Atzeni.

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