Au début de l’histoire, il y a la chaleur écrasante d’une journée de juillet dans les ruelles étouffantes de la ville de Naples, et un slip qui colle. Et puis, il y a la mer, juste là, à tes pieds, celle qui susurre à ton aventurière qu’un bain sous les étoiles chargerait d’une fulgurance idoine votre amour à infini. Et le tétanos, aussi.
C’est que le rivage napolitain ressemble à une décharge. Entre les rochers où s’amoncellent les immondices, il n’y a que peu de place pour espérer avoir un endroit à peu près praticable, pourvu qu’on se garde bien d’enlever ses chaussures et qu’on soit aveuglé par la réverbération du soleil sur le plastique qui flotte, ou les canettes de soda. Et si certains s’en accommodent, pas nous, alors nous avons demandé à Pasquale (hôte incroyable de Casa Adélaïde) de nous révéler les charmes de sa ville, avec le nom des meilleures plages. Il a fait une moue contrariée en confessant qu’il nous faudrait nous éloigner. On s’est dit qu’on prendrait la direction de Pouzzoles avant de se raviser. On a tenté les plages privées devant le Palazzo Donn’Anna pour déplorer le spectacle d’une escroquerie sans nom, et ressentir la désagréable sensation d’un slip qui colle. Toujours. On s’est dit que ça nous servirait de fil rouge pour de sombres anecdotes, avant là aussi de nous raviser.
Arrivé là, je ne vais pas commencer par vous la faire à l’envers, mais c’est bien parce qu’aucune plage de Naples ne trouvait grâce à nos yeux qu’on a profité d’une escapade sur les ruines antiques parmi les plus connues du monde, pour prolonger jusqu’au terminus du Circumvesuviana, à Sorrente, attirés que nous étions par la rumeur d’un lieu d’exception, là-bas, au bout de la baie.
Un lieu unique.
Et voici ce que nous pouvons en dire… « Bagni della Regina, Giovanna conquiert pleinement le titre de plage la plus intrigante de la péninsule de Sorrente, pour sa beauté, son histoire et sa légende.
En fait, l’histoire et le mythe se confondent au point de donner à ce lieu une aura mystérieuse qui fait de Bagni della Regina Giovanna un lieu véritablement fascinant. Son nom revient à celui de la reine Giovanna II D’Angiò (1371 – 1435) qui aimait, dit-on, passer les vacances à Sorrente, et en particulier pour ses moments de plaisir à Capo di Sorrento, grâce à l’intimité que permet l’entrée d’une piscine naturelle. Elle aurait ainsi pu s’adonner à des bains complètement nue en compagnie de ses nombreux et très jeunes amants. On imagine aisément la suite où vérité historique et calomnie populaire s’entremêlent dans l’écume des vagues.
Mais l’histoire de cet endroit est beaucoup plus ancienne. Dans cette partie de la côte, maintenant appelée « les thermes de la reine Giovanna », se trouve la grande villa de Pollio Felice, un noble romain. Datant du Ier siècle de notre ère, la villa avait une superficie d’environ trente mille mètres carrés et était divisée en deux parties: le domus maritime et la villa entourée de champs. Aujourd’hui de l’extraordinaire villa romaine surplombant la mer, il est possible de n’en visiter que les ruines.*«
Ainsi, ce que nous voyons aujourd’hui comme une piscine naturelle, avait été transformé à l’époque en piscine privée appartenant à la villa elle-même. La reconstruction du complexe peut être admirée dans le musée archéologique de la péninsule de Sorrente « Georges Vallet » à Piano di Sorrento.
Chemin faisant.
En quittant la ville, il faut continuer un peu plus loin en suivant la Via Capo qui se dirige vers Massa Lubrense. Le mieux est encore de s’y rendre en bus, le n°5 je crois, qu’on peut prendre derrière la gare avec un arrêt au milieu d’une route sans ombre. Je vous conseille l’arrêt du centre-ville, plus loin, mais tout proche des terrasses en cas de déshydratation. Profitez-en pour acheter de quoi vous sustenter et vous désaltérer, mais sachez qu’il existe bien une supérette non loin de votre destination finale. En arrivant au Cap de Sorrente (Capo di Sorrento, c’est aussi le nom de l’arrêt), vous trouverez l’indication des vestiges archéologiques de la villa de Pollio Felice. Ici, il faut continuer à pied vers la mer sur environ six cents mètres, en retraçant ce qui était autrefois l’ancienne voie romaine.
De part et d’autre du chemin, citronniers et oliveraies apportent une ombre discrète dans une pente qu’il vous faudra, à un moment donné, devoir remonter. Ne vous en effrayez pas, les vestiges qui vous attendent, mais davantage encore, cette piscine naturelle valent bien quelques sacrifices. D’ailleurs, imaginez les efforts d’une production d’un clip de métal pour transporter tout le matos et tourner dans les ruines de la villa.
Faire des ronds dans l’eau.
La baignade est salvatrice après ce si long chemin depuis Naples, et nos espérances récompensées. Mon aventurière joue les sirènes lorsqu’elle se fait emporter par une vague. Après quelques tasses je manque de la ranimer sur le rivage « T’as un goût d’eau de mer… » avant de percuter, puis de gueuler un bon coup sur les kayaks. C’est un joyau qu’on n’aime pas partager, la coque en fibres composites encore moins dans la face. Devant la bronca la flottille bat en retraite, « On va vous faire le coup des Dardanelles » s’écrie un homme hors d’âge et hors du temps, quand déjà les baigneurs barbotent à nouveau.
Nous avons si peu regretté que nous y sommes allés deux fois. La première en tâtonnant. Il n’y avait pas grand monde et nous étions réellement privilégiés. La seconde nous avons un peu prévu le coup en achetant un casse-croûte, en prenant des affaires de rechange, mais les places valaient nettement plus cher. En semaine, pas de règle, allez-y au petit bonheur la chance, ça nous a toujours souri.
*Source: Alan Ryder.
Crédit photo d’en-tête: Christina Gargiulo.
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