Le circumvesuviana est un transport en commun ferré, composé essentiellement de vieux trains, qui relie Naples à différents points de la Campanie, autour du Vésuve. D’où son nom, littéralement. On l’emprunte forcément pour se rendre vers les sites antiques engloutis par la célèbre éruption de l’an 79, Pompéi et Herculanum, ou simplement pour prendre la direction de la Côte Amalfitaine, en allant jusqu’à Sorrente son terminus, à une heure de trajet. De là, on peut prendre un bus jusqu’à Positano par exemple, un autre encore pour aller découvrir un lieu d’exception lorsqu’il n’est pas bondé, il bagni della Regina Giovanna, et se la couler douce. Le Circumvesuviana est donc la porte d’entrée sur les environs de Naples, à l’est et au sud de sa baie, un train bien singulier qui recèle et révèle bien des choses, qu’on aime ou déteste découvrir. Question de temps, d’horaire, ou bien de chance.
Quai des brumes.
Sur le quai ça joue déjà des coudes. C’est la foire d’empoigne pour avoir au plus vite une place assise. On se marche dessus. Les enfants, les poussettes, les vieux, les fragiles, la sélection naturelle est en marche et piétine le cœur des humains qui s’oublient. Nul besoin de se demander si ce comportement est à vomir, il l’est, sans la moindre distinction au vu du spectacle. Avant même que le train n’arrive, ça se rapproche du quai en faisant mine de rien, en faisant de la place autour de soi avec son sac à dos qui se met à danser. Et si au bal des abrutis la cadence de la musique te gène, tu n’as qu’à te pousser. Ils la veulent tous leur place au soleil. Ils n’auront presque rien.
La mesquinerie se joue à 2 contre 1 quand il faut miser sur l’endroit où s’ouvriront les wagons. Et la chaloupe se met à tanguer en suivant la machine qui ralentit. On se pousse, on nous roule dessus, certains crient et protestent dans toutes les langues, c’est le train du matin, il ira mourir jusqu’aux vestiges où ses passagers ressortiront alléger d’une notion bien étrangère à leur patrie. Civilité berceau des incivilités, vous pourrez toujours payer pour les maudire ou tendre le majeur en guise d’espéranto. Sous la fureur du Vésuve qui couve les rails bouillonnent, et sur le quai, des cendres incandescentes pétrifient la silhouette des apprentis archéologues.
C’est le train du matin, il avalera toutes hordes et les touristes. Un train vieillot presque plein qui sent déjà la bête, le fauve, le sang et le sable.
Comme des sardines en boîte.
Une cohorte multiple avec parfois si peu d’humanité qu’on se croirait sur le Francfort – Marseille lorsqu’il arrive en gare de la Part-Dieu, en pire. 2 minutes d’arrêt, battle royal. Quelques italiens toutefois offrent leurs places aux mamas dont on se demande bien ce qu’elles font là, tandis que tous les autres se resserrent, s’arc-boutent pour ne pas s’écraser sur son voisin et hument un semblant d’air, mais il est vicié. Les plus grands seront les plus heureux car ils n’auront pas le nez dans les aisselles des corps gras qui suintent l’excès d’une chaude matinée napolitaine. Tu as l’image? Vis-le.
9 heures du matin, juillet dans le Circumvesuviana, une saison en enfer.
Il fait si chaud que l’oxygène se joue des acrobates. Un courant d’air pour une pâmoison trop brève, si fade qu’elle s’évapore laissant le sel en auréoles. Les peaux se brûlent, mais elles sont moites, et imbibent tous les tissus. Les plus malins ont été prévoyants, et dans ce wagon où la chaleur transforme les âmes en pénitents, des éventails fleurissent et redressent les colonnes. Un américain emporte finalement la clameur, nouveaux héros de ces jeux, il sort de sa poche un petit ventilateur et le brandit sur nous tous, là, dans cet espace où on ne peut se mouvoir il devient notre Sauveur, à tous.
Les mains baladeuses et les mains sales.
Là où il y a des touristes, il y a des pickpockets, là où il y a du monde et de la promiscuité, il y a d’autres choses qui ne devraient pas exister, et le Circumvesuviana est un lieu propice pour ces deux-là. On m’avait souvent dit qu’à Naples il fallait faire attention, rester vigilant, mettre son sac à dos sur le ventre et ne rien garder dans ses poches. Ce ne sont pas de mauvais conseils. J’ai vu la police napolitaine dans le quartier espagnol enregistrer une plainte fictive tout en léchant la glace fondue d’un Cornetto, sous le regard médusé d’un fantôme de victime venu hanter les taux de crimes. Mais je n’ai pas vu le moindre vol, ni le moindre souci. Je ne me suis jamais senti inquiet, ni inquiété. Dans ce train c’est autre chose, parce que j’en ai été témoin.
Un troupeau de brebis, des proies faciles quand une meute de loups se dissimule dans cet enclos. La mécanique est bien huilée, une femme de ses doigts agiles abaisse la fermeture qui recèle un trésor, un portefeuille, une bouteille d’eau, lorsqu’un complice nous fait écran. Le geste est précis, rapide, mais pas suffisamment. Un homme intervient et c’est tout le wagon qui se soulève. Le complice crie à l’injustice, sa femme, une voleuse? Mais oui. Il sort les pecs, il serre les dents, son regard est noir et nous maudit de cet affront, mais le sac est ouvert. La main, dedans. On les a tous deux priés de descendre à Portici Bellavista, en les aidant un peu.
Plus loin les griffes se veulent joueuses, mais elles déchirent le consentement. Les griffes se font briser, la gorge lacérée pour tel est pris qui croyait prendre. Mais, tu n’es pas d’accord? Soyons heureux, ici nous ne t’avons rien demandé, et nous ne te laisserons plus jamais rien faire, ni même tenter.
Rassurez-vous, ça ne se passe pas toujours comme ça. J’ai pris ce train de nombreuses fois, et à part ces deux anecdotes il n’y a jamais eu le moindre problème. Ne devenons pas non plus parano.
Quelques infos utiles.
Horaires.
La fréquence des passages est d’environ 30minutes.
De 6h09 à 21h30 depuis Porta Nolana, direction Sorrente.
De 6h01 à 21h37 depuis Sorrento, direction Naples.
Tarifs.
Au départ de Naples, vers:
Herculanum: 2,50€.
Pompéi: 3,20€.
Sorrente: 4,50€.
Durée depuis Naples.
Ça va peut-être vous sembler long, normal, pour chacune de ces destinations il y a beaucoup d’arrêts.
Herculanum et Vésuve: 20 minutes. Arrêt Ercolano Scavi.
Pompéi: 40 minutes. Arrêt Pompei Scavi – Villa dei Mesteri.
Sorrente: 1h30, voire un peu moins, de toute façon c’est le terminus.
Astuces.
Lorsque vous souhaitez vous rendre à Pompéi: pour éviter la foule et peut-être les désagréments évoqués plus haut, prenez le Circumvesuviana en direction de Poggiomarino, et descendez à Pompei Santuario. Vous aurez alors accès à la ville antique par l’entrée Piazza Anfiteatro.
Dans tous les cas, il vaut mieux monter dans le train à l’arrêt Porta Nolana qui est la station de départ, plutôt qu’à la gare centrale Garibaldi, simplement pour espérer avoir une place assise.
Il existe aussi un Campania express ô combien plus rapide et plus direct (et plus rare). En revanche, il faut acheter des billets spéciaux qui coûtent plus cher (8€ pour aller jusqu’à Sorrente par exemple). Le train s’arrête aux stations prisées par les touristes, les seuls passagers du train: Herculanum, Pompéi et Sorrente. On ne conseille pas cette solution, certes plus tranquille et apaisée, mais qui ne fleure pas l’aventure, ou si peu.
Crédits photo: Metropolis web (photo d’en-tête); Marcello Framondi.
Ça vous a plu? Soutenez-nous sur Utip! Rendez-vous sur la page de Viens, on s’arrache! Merci 🙂