La fine négociatrice du Pearl Market (Hongqiao).

pearl market

La première fois qu’on a mis les pieds au Pearl Market, c’est après avoir fait la visite du Temple du Ciel. Tu parles d’une folie, c’est juste à côté. Et comme ça faisait quelques occasions manquées déjà de trouver un jeu de majong ni trop cheap, ni trop sophistiqué, ni trop cher, on s’est dit « Et si ? »

Faut quand même savoir qu’après ce genre de locution, en posant nos valises à Pékin, on ne s’attendait pas à avoir beaucoup de différences avec les prix qu’on peut trouver dans les grandes métropoles occidentales. Si ça a été vrai un jour, ce temps est révolu. Le plus impressionnant reste davantage le nombre de contrefaçons ou la qualité contestable des produits. Là, au Hongqiao Market, c’est pareil, mais pour un jeu de majong faut quand même pas déconner. Alors donc, et si ? Et si on tentait le coup ?

On a tenté.

Une précision quand même, la vente, ses techniques, on n’y connaît absolument rien et c’est quelque chose dont on peut certainement s’enorgueillir, et probablement que les pros qui liront ce qui suit vont bien se marrer. On l’a plutôt pris comme un jeu, celui où l’on essaye seulement de ne pas trop se faire blouser. Voilà.

À peine arrivés je fais à mon aventurière « Te laisse pas berner, faut que tu négocies, » ce à quoi elle répond par une moue ni très enjouée, ni très assurée. Une attitude qui ne trompe pas. Et quand elle m’annonce très gênée quelques minutes plus tard qu’on a essayé de lui refourguer des magnets à 50 ¥ l’unité, quand on les trouve n’importe où à 20, et qu’elle a dit oui… je rigole d’abord avant d’être consterné. Je retourne voir la vendeuse, dis que c’est trop cher et qu’on n’achète rien. Bim, 40. Faut baisser. 35. Toujours pas. 30 ! Nope. Mais, tu veux me saigner, va pour 25. « J’achète ! » hurle à pleins poumons la fine négociatrice du Pearl Market qui tel est pris qui croyait prendre ne faisait pas une bonne affaire. M’enfin, c’est toujours trop cher ! Elle paye en espèces sonnantes et trébuchantes et me tend la monnaie avec un peu de mauvaise foi.

« C’est que… je ne les ai vus qu’ici ces magnets… » Le prix de la rareté, indexé sur celui des illusions. Ouais bah va falloir muscler un peu ton jeu sinon tu vas nous fumer tout le budget. Allez, on trouve un majong, je te regarde faire.

Plus haut quelques stands de jeux et parmi eux, le Saint Graal, le Saint Majong. Il y en a deux. Le plus pérave, on l’a déjà vu au Foreign Language Bookstore à Dongcheng, on a donc une référence de prix, histoire de voir le degré de pigeonnage qui s’élève à 50 ¥, c’est correct. On veut l’autre, le joli, celui à 250. Mon aventurière se hasarde à une méthode inédite, elle marchande le majong qu’elle ne veut pas, le dégueu qu’elle fait descendre à 140 ¥, puis 120, puis 100. Quand les deux semblent se mettre d’accord, elle fait volte-face et me passe le flambeau, arguant que de toute façon, elle voulait l’autre jeu. Ça valait le coup dis donc.

« Hum, 100 pour le joli, c’est toujours un peu cher, va pour 80. » Non, 100 pour le pourri, ok pour 80. Je tends mes billets, elle me tend le mauvais majong. « Non, l’autre. » Mais, l’autre est plus cher. « Plus cher, je n’en prends aucun. » Et c’est en partant qu’elle a finalement accepté. Voyant ça, mon aventurière en a pris un deuxième en me disant que ça n’était pas bien ce qu’on faisait. Qu’on profitait. Peut-être, n’empêche que j’ai eu son joli majong moins cher que le flingué qu’elle a marchandé, et je l’ai traitée d’opportuniste. On est ce qu’on appelle une équipe soudée.

Plus loin, un vendeur de cachemire vient nous voir et nous demande le prix qu’on a payé pour le majong. 80. « Cheap… » qu’il a dit.

jeu de majong

La seconde fois, on avait un objectif précis : acheter une valise. Le sac à dos de mon aventurière nous avait lâchés en sortant du Transmongolien, et la date du retour arrivait, fallait donc agir. On savait qu’au Pearl Market il y avait un large choix, mais comme on ne voulait pas se faire blouser, on avait pris la température et fureté ici ou là dans Dongsi notamment pour avoir une idée des prix : 300 ¥ max la grosse.

Sur le seuil du de Hongqiao, une rumeur court. La fine négociatrice du Pearl Market est de retour.

On se fait un briefing de départ. Bon, t’es prête ? Je sais pas. Ok, voilà le topo. On sait que le genre de valise que tu recherches, c’est 300 en moyenne, donc 300, c’est ton max. Laisse-les descendre le prix jusqu’à ce qu’ils te demandent de leur faire une offre. Commence à 200, c’est raisonnable, ils ne seront pas d’accord, mais tiens bon, comme on a fait pour le majong, et accepte à 250, ça serait pas mal du tout. La première boutique a valeur de test sauf s’ils défoncent les prix. Comme ils savent qu’ils ne feront pas la vente si tu va voir les autres vu que tu ne reviendras pas, il y a vraiment moyen qu’ils acceptent ton offre. Regarde, il y a pas de clients et ils sont 10 boutiques de valises, s’ils restent trop sur leurs prix délirants dis que tu trouveras moins cher à côté et fait mine de t’en aller, à tous les coups, ils te diront oui. Tu le sens comment ? Je sais pas. T’en fais pas tu vas assurer ? Je sais pas.

Première boutique, on nous propose une belle valise bien solide. D’ailleurs t’as qu’à voir on te la balance dans tous les sens, on saute même dessus, regarde, ça bouge pas, pas une égratignure. Technique marketing, 500 ¥. Mon aventurière tient la barre, elle dit non. À 450, c’est toujours non. 400 ? Trop cher. La vendeuse lui dit vas-y donne un prix…

350 qu’elle dit.

Bon, il y a eu un manque d’attention pendant le briefing. 300 c’était le max, elle commence la négo à 350, aïe aïe aïe ça sent la baise, la fine négociatrice du Pearl Market est dans la place.

Mais la vendeuse ne lâche pas, 380, à 350 j’ai le couteau sous la gorge. Moi, j’hallucine. Mon aventurière dit non, c’est 350 ou rien, alors que je viens de lui rappeler qu’on n’avait pas dit ça. Là-dessus, elle tourne les talons, et se barre. Quoi ? La vendeuse gueule reviens, pas de souci, à 350 la valise est à toi, et ce sont tous les commerçants qui reprennent ces propos bien en cœur, bientôt, ils chantent en canon « mais elle a accepté ton offre ! »

Et mon aventurière de répondre… Non, tant pis, c’est trop tard.

Si ça c’est pas faire de la merde? C’est qu’elle a le négoce dans le sang.

Débriefing. Bon, t’as un peu merdé sur l’offre en faisant une proposition plus haute que le max qu’on avait fixé. C’est rarement payant comme stratégie vu qu’on a moins cher près de l’hôtel. « Ouais, j’ai un peu merdé. » T’as pas acheté c’est pas très grave, mais faut que la prochaine tu démarres beaucoup plus bas, et surtout que tu n’acceptes pas au-delà de 300, c’est ce qu’on a vu à Dongsi, okay ? « Je vais essayer. » T’es pas obligée d’acheter aujourd’hui, rappelle-toi, pas plus de 300. « Je vais essayer. »

Deuxième boutique, je sens qu’elle patauge, qu’elle est de moins en moins à l’aise. Pourtant, elle se démerde super bien et ne lâche pas. Ça commence à faire des palabres et la négociation s’éternise. Cette valise, non, plutôt celle-là. Attention elle est plus chère, non attends, je préfère la première. L’autre lui conte toute une histoire à faire pleurer dans les chaumières, elle veut l’avoir à l’usure, elle joue sur la corde sensible. J’interviens, ces deux valises, là, elles sont pareilles, elles s’achètent à 300 avec le sentiment de se faire quand même un peu enfler, alors si le prix ne convient pas, c’est pas grave, on en trouvera bien d’autres ailleurs. La vendeuse finit par accepter, ok pour 300.

20 ! Mon aventurière relance de 20. 320 !

Je la regarde. Elle me regarde. Drop the mic. La fine négociatrice du Pearl Market a encore frappé. Fin du game.

pearl market beijing

Comment s’y rendre.

En prenant la ligne 5 du métro jusqu’à la station Tiantandongmen, qui jouxte la porte est du parc du Temple du Ciel : porte est exit B. Remontez vers le nord quelques centaines de mètres, l’immeuble de l’autre côté de la route est immanquable, Hongqiao Pearl Market y est écrit en grand dessus. Au No. 9 Tiantan Road, Dongcheng District, Beijing 100062.

Ce qu’on y trouve.

  • Au sous-sol: de la poiscaille et tout ce qui vit normalement avec de la flotte au-dessus de la tête.
  • Premier: des goodies, l’électronique et les montres.
  • Second: le textile, la soie, les valises et la maroquinerie essentiellement.
  • Troisième: de tout. Artisanat, goodies, perles (les plus abordables), jeux. Il faut fouiller et avoir l’œil alerte.
  • Au-dessus (4et5): les perles et les bijoux, dont les plus chers sont au dernier. Transition idéale pour vous rappeler que c’est là que se trouve l’accès au toit-terrasse (suivre « rooftop ») offrant une vue imprenable sur le parc du Temple du Ciel.

Horaires d’ouverture : 10h – 19h30.

Quelques astuces et conseils.

Hongqiao Market  n’est pas réputé pour être l’endroit le plus bon marché de Pékin. Loin s’en faut. Néanmoins, ici absolument tous les prix sont négociables, sans la moindre exception. Les prix qu’on vous donne sont probablement plus chers que n’importe où ailleurs dans la ville (on exagère à peine). On n’y fait donc pas forcément de bonnes affaires, à moins de la jouer serré. Si vous aimer l’art du négoce, toujours avec le sourire évidemment, vous risquez de passer de bons moments et de faire quelques bons coups de fusil, sinon, attendez-vous à vous faire croquer, ils sont redoutables. Ca n’est pas toujours un exercice facile, la négociation ne faisant pas nécessairement partie de notre culture, il faut pourtant se lancer.

Attention à la qualité, globalement, c’est pas ouf.

Evitez le stand de souvenirs du rez-de-chaussée, ce sont des forceurs dans la vente comme dans les prix. La plupart des objets qu’ils proposent sont proposés avec au moins 30% de rabais si vous avez le courage de vous rendre aux étages supérieurs où la négociation est moins rude qu’en bas, puisqu’on y voit nettement moins de clients.

Faites le tour, comparez les prix, négociez en n’ayant pas peur de faire jouer la concurrence, puis achetez (si vous le voulez vraiment). De toute façon, dans les allés on voit rarement d’autres profils que celui du touriste venu dépenser ses devises. Attendez-vous à être vu comme un portefeuille ambulant.

Sauf à franchir le seuil des boutiques officielles des grandes marques, ce qu’on vend de connu au Pearl Market, s’agissant du textile ou de la maroquinerie, est, à de rares exceptions près (laissons-leur le bénéfice du doute) de la pure contrefaçon. Tu veux un maillot du Barça, du Brésil, la deuxième étoile sur celui de l’équipe de France ? Tu les trouveras tous, en faux.

hongqiao beijing

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Crédits photo: (1) Stories of Beijing; (2) majonglogic; (3) Sidne Ward; (4) Michael Turtle; (5) tripomatic; (6) visitbeijing.

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