Destination Sukamade pour la ponte des tortues marines à Java.

Aquarelle d'une tortue marine

Direction le parc national de Béru Betiri, dans la partie la plus orientale de Java. On ne vient pas sur la plage de Sukamade par hasard. Non, il y a une excellente raison : les tortues marines. C’est sur cette plage déclarée zone protégée depuis 1972 qu’elles viennent pondre. Et c’est précisément ce que nous venons voir ou plus exactement, essayer de voir, car rien n’est garanti à l’avance. Mais pour y arriver, cela se mérite.

Sous un déluge à moto.

Aïe, Aïe, Aïe, les dieux sont en colère. Il tombe des trombes d’eau sur le trajet nous menant au rendez-vous pour prendre les 4X4. Nos légères capes/ponchos de pluie sont totalement inefficaces et nous sommes rincés dans les règles de l’art. Les pantalons collent sur les jambes et les pieds font flope, flope dans les chaussures. Lorsque les motos doublent des camionnettes, nous entendons les personnes crier « Les Boulets, les Boulets » (boulais ? ou bouley ? Là, on n’est pas sûrs de l’orthographe) en nous désignant et en s’amusant de nous voir rouler sous une pluie d’enfer. Cela peut sembler saugrenu, mais à Java, on désigne communément les étrangers sous ce nom. Du coup, quand tu veux négocier un prix, tu dis « no boulet price » et cela fait sourire tout le monde, à défaut d’obtenir un prix plus intéressant.

Le trajet en 4 X 4.

Véhicule embourbé

Juste le temps de jeter quelques vêtements dans un sac à dos et nous partons pour un trajet d’une heure et demi à travers la jungle sans nous changer. Notre véhicule n’est pas de première jeunesse et l’intérieur n’a rien d’un pullman : l’assise est terriblement dure et les amortisseurs ne sont plus qu’un très, très vague souvenir. A l’intérieur, nous sommes brinquebalés à droite et à gauche sur une piste défoncée et détrempée. Notre chauffeur, champion du volant fait des prouesses pour ne pas nous envoyer dans le décor ou rester coincé dans une ornière. D’ailleurs, le lendemain matin, nos conducteurs dépannent un véhicule embourbé, et ce n’est pas une mince affaire de le sortir de la gadoue.

Sukamade.

Entrée de Sukamade le sanctuaire des tortues marine

La nuit est tombée lorsque nous arrivons au sanctuaire des tortues. Ici, des rangers spécialistes s’occupent d’une nurserie et c’est un guide qui nous amène en soirée à la recherche d’une tortue pondeuse. Sur cette immense plage battue par les vagues, il y a en moyenne 4 tortues qui viennent pondre chaque soir, là où elles sont nées. Normalement, la période de ponte se situe entre novembre et avril et pourtant nous sommes fin juin. Malheureusement, le changement climatique perturbe les tortues et modifie leur rythme de reproduction. Cela explique pourquoi nous aurons peut-être la chance d’en voir. Et si nous avons déjà vu des petites bêtes la nuit, et d’autres beaucoup plus grosses dans un parc national,  nous n’avons jamais approché de tortue marine, qui plus est, en train de pondre.

Escapade nocturne.

Sous la direction de June, nous traversons à pied une partie de forêt en nous dirigeant vers la mer et son immense plage. Les lampes de poche sont obligatoires pour se déplacer dans l’obscurité. Quant à éviter les flaques d’eau, cela n’a pas grande importance car nous sommes encore trempés. Puis, on s’arrête et notre guide nous demande d’attendre son retour avant de continuer. Il part faire du repérage sur la plage et chercher les tortues pondeuses. Allons-nous avoir de la chance ?  

Patience.

Après un long temps d’attente dans la nuit, il est enfin de retour et nous rassure avec un grand sourire. Les tortues sont bien là. D’un seul coup, tout le monde respire plus librement. L’une est déjà en plein travail et pas question de la perturber. Une autre va bientôt commencer et c’est celle-là que nous allons voir, après avoir reçu les consignes d’usage. On reste derrière elle et sur les côtés, on n’allume aucune lumière et forcément, la discrétion est de rigueur. Il ne faut absolument pas la stresser notre mémère. Seul le guide fera usage de sa lampe spéciale pour l’éclairer.

Traversée de la plage.

C’est assez étrange de se trouver là, à l’autre bout du monde, en pleine nuit, pour aller voir un miracle de la vie et de la nature. Chacun mesure la chance qu’il a d’être présent pour cet événement et, hormis le bruit des vagues, la traversée de la plage se fait dans un silence quasi religieux. Seules quelques onomatopées émaillent le trajet, lorsque l’un de nous se laisse surprendre par un ancien trou de ponte défoncé par les sangliers. Là, il plonge, quasiment dedans, la tête la première. Oups !

Nous y sommes et c’est incroyable.

Tortue marine en train de pondre

Houlà, notre tortue marine est vraiment impressionnante avec ses 80 kilos et impose le respect. Posée au-dessus du trou qu’elle a péniblement creusé pour y déposer ses œufs, la ponte vient juste de démarrer. Les œufs tombent un à un, parfois par deux, avec un rythme régulier, après une très légère pause entre eux. Juste le temps que Maman tortue reprenne son souffle. On ne parle pas, on chuchote de peur de la déranger. On voit qu’elle est fatiguée et fait des efforts, mais elle continue, imperturbable jusqu’au dernier. Nous sommes tellement fascinés que le temps est suspendu et ne compte plus.

Les œufs.

Oeuf de tortue marine

Ils sont blancs et gros comme des balles de golf ou de ping-pong. Nous en touchons un ; il est légèrement mou et enduit d’une matière un peu visqueuse, mais l’enveloppe ne semble pas fragile pour autant. Au fur et à mesure de la ponte, les œufs sont récupérés et posés délicatement sur le sol pour les compter. Une tortue en pond en moyenne une centaine, mais parfois beaucoup plus. Pour la nôtre, le score est de 108. Ce n’est pas mal du tout. Notre louloutte a bien travaillé ce soir et on est tous fiers d’elle. Puis, le ranger les met délicatement dans une poche en tissu et les place ensuite dans son sac à dos pour les ramener à la nursery.

La suite.

Nous laissons notre tortue marine reboucher son trou vide. Vraiment, cela nous fait mal au cœur, surtout lorsque l’on sait qu’il lui faudra encore deux heures pour finir son travail, alors qu’il n’y a plus rien à cacher. Mais, c’est pour la bonne cause ; sauvetage accompli. Ses futurs bébés auront peut-être la chance de survivre ; ils échappent ainsi au braconnage, aux sangliers sauvages et aux varans qui se font un régal de ces œufs fraîchement pondus. Sur le retour, le guide nous montre des coquilles disloquées, témoins du ravage de ces prédateurs et il y en a, malheureusement, un grand nombre.

Demain est un grand jour

Après avoir vu la ponte des œufs, nous aurons la chance de lâcher des petites tortues nées dans le sanctuaire pour leur permettre de rejoindre la mer. Assurément, encore un beau moment à vivre.

Crédit photo : (1) Layers

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