On n’a pas tous les jours la chance de voir l’Équipe de France jouer dans sa ville, alors quand l’occasion se présente on saute dessus, on ne réfléchit pas. C’est en tout cas ce que l’ado fan de foot se dit à ce moment-là. Comme il se l’était dit déjà, on se l’était dit pour lui soyons honnête, parce que les pères sont là pour ça, ce jour de mars 1994, lorsqu’il n’était encore qu’un gone pour voir les Bleus affronter le Chili. Trois ans plus tard, le 3 juin 1997, nous voilà de retour à Gerland pour voir les Bleus affronter une nouvelle équipe sud-américaine, la plus prestigieuse de toutes.
Le Tournoi de France 1997.
Une simple compétition amicale, en guise de préparation à la coupe du monde 98, qui devait voir s’affronter 4 équipes, avec deux matchs devant se jouer à Lyon, les plus éclatants du tournoi. Le stade n’avait pas encore revêtu ses plus beaux apparats, mais il serait prêt. Et nous, nous étions déjà là. De grandes bâches colorées représentant d’anciennes gloires du ballon rond masquaient le virage sud en pleine transformation. Gerland faisait encore sa mue, mais se préparait déjà à vivre un grand soir.
Il n’y avait pas encore la moindre étoile sur les écharpes, ni sur les maillots des supporters, sauf sur ceux du Brésil et de toutes ses stars où brillait Il Fenomeno. Les Bleus rencontraient les champions du monde en titre pour un match de gala: France – Brésil. Un match sans enjeu, et pourtant, une affiche au sommet du football mondial.
C’est alors qu’on a pris place dans les tribunes du virage nord, là où d’habitude les chants des Bad Gones résonnent. Le match allait commencer.
L’instant magique.
L’action, tout le monde l’a connaît. Faute sur Romario aux 35 mètres, plein axe, l’artificier Roberto Carlos dépose le ballon sur le sol. À partir de là, on l’a vu reculer, encore et encore, jusqu’au rond central. Il était tellement loin pour nous qu’on se disait qu’il allait prendre sa course d’élan depuis les cages de son propre gardien. Mais non, puis il s’est élancé. Et ce moment est fou.
Barthez était masqué lorsque le ballon a contourné le mur par la gauche. Nous étions juste derrière, et le temps de comprendre que le cuir se déportait suffisamment sur l’extérieur pour fuir la moindre chance de marquer, c’est avec une vitesse phénoménale qu’il a repiqué sur le but pour se laisser mourir au fond des filets, au ras du poteau, laissant notre gardien planté sur ses appuis comme statufié. Malheur à celui qui a cligné des yeux ce moment-là. Stupeur générale, bouche bée, le public en a eu le souffle coupé peut-être une seule seconde qui m’apparut plus long qu’une éternité. Puis des éclats de joie, des rires et des applaudissements, avec le sentiment limpide et immédiat qu’on venait de vivre quelque chose d’extraordinaire. « Pas possible! » « Incroyable! » « Oh, le con! » « Ce but! Mais, ce but! » « On a bien fait d’venir! » et j’en passe, ne trahissaient pas le large sourire des spectateurs.
Ce dont je me rappelle encore le plus clairement aujourd’hui, ce sont les étoiles dans leurs yeux.
Et nous n’avons pas été si nombreux à l’avoir vu sous cet angle, comme celui de Marc Keller, devenu anecdotique, alors que c’est le seul et unique but qu’il a marqué sous la tunique bleue ce soir-là.
Allez, pour le plaisir, avec quelques explications de l’artiste lui-même.
Lorsque je revois ça, c’est fou. J’y étais, oui, je peux le dire. J’y étais, et je crois même que j’avais l’une des meilleures places… c’est ça ma photo.
N.B: Il y a eu du business autour de ce but. Par exemple, dans sa boutique So Foot a vendu une très belle photographie en édition limitée à 11 exemplaires de ce « coup franc mythique » qui ne l’était pas vraiment. Roberto Carlos a inscrit son but contre l’Équipe de France face au Virage Nord de Gerland, rempli de public. Pendant le match du 3 juin 1997, le joueur brésilien en a tiré d’autres des coups francs, notamment face au Virage Sud alors en rénovation. On l’a dit, celui-ci était en effet dissimulé derrière de grandes bâches colorées en forme de tableaux, représentant d’illustres footballeurs. Une autre preuve? Sur le but du véritable coup franc mythique, Zinédine Zidane faisait partie du mur. Est-il sur la photo? Si vous avez mis 50 balles pour le cliché de ce coup franc mythique, vous vous êtes simplement fait rouler. Rappelez-vous, j’y étais.
Un autre billet de foot, avec Ticket gagnant.
Capture écran: SoFoot.