Si quelqu’un m’avait dit que j’irais un jour faire le zouave, à 60 balais passés, en enduro dans les dunes et sur les pistes du désert marocain, je l’aurais traité de fêlé. Hé bien, il ne faut jamais dire « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau », car j’ai bu le calice jusqu’à la lie. Pour cette expérience, vous vous doutez bien que Sylvie n’est pas de la partie. Le challenge de cette sortie en solo, c’est juste une bonne gamelle, mais sans casse. Voilà la seule promesse que je lui fais avant de partir.
Au commencement.
Tout est parti de notre virée moto dans l’Himalaya où je rencontre mon pote Michel. A la fin du voyage, il me dit : « Ca ne te dirais pas d’aller faire une petite semaine d’enduro au Maroc ? ». « Tiens, oui, pourquoi pas ». C’est un peu du cap ou pas cap comme pour le marathon de New-York. Il faut dire qu’avec Dame Bullet dans les pattes pour sillonner les routes et les pistes du Ladakh à des altitudes vertigineuses ou du Kérala, plus rien ne nous arrête sauf, peut-être le sable, mais n’anticipons pas.
Nous prenons date et réservons tout le tintouin pour débarquer à Marrakech. Au volant de notre véhicule de location, nous voilà prêts à prendre la route pour rejoindre le lieu de rendez-vous fixé avec notre accompagnateur. En voiture Simone, c’est parti pour le meilleur et pour le pire.
Histoire d’en rire sur la route.
Le bon et le truand.
Nous nous faisons arrêter par deux gendarmes, des vrais en tenue et toute la panoplie qui va bien avec. Nous sommes perplexes, car nous roulions doucement sur ces routes un peu chaotiques. L’arnaqueur patibulaire attaque fort : « Vous êtes en infraction pour excès de vitesse. Heureusement que vous étiez à 3 kilomètres heure sous la limite, sinon c’était le tarif supérieur et beaucoup plus cher ». Sur ce, il nous envoie vers son collègue, l’escroc honnête qui nous a tout de suite à la bonne. Il kiffe sur le physique avantageux de mon pote Michel « T’es pas boxeur toi » et comme il sait que je viens de Lyon « Ah, l’Olympique lyonnais ; Lacazette, je le connais, c’est un bon ». Au bout de cinq minutes, on est tous potes, sauf que l’amende tient toujours.
De fil en aiguille.
On négocie le tarif en faisant une offre au gentil escroc. Surprise, il nous diminue le prix proposé. Nous n’en croyons pas nos oreilles et vous, vous suivez ? Attention, il a des principes et une éthique le bonhomme, on n’arnaque pas trop non plus, ce ne serait pas correct. On lui donne alors la somme demandée pour une infraction que nous n’avons jamais commise. Et juste avant de partir, il nous glisse « Faites gaffe les gars, parce qu’il y a nos collègues 3 kilomètres plus loin ! » Si ça ce n’est pas honnête, c’est à ne rien y comprendre. Du coup, on ne dépasse pas les 50 kilomètres heure pour ne pas se faire plumer une seconde fois. Non mais, on ne nous a pas comme ça non plus, il ne faut pas exagérer quand même.
Bon alors, l’enduro, ça donne quoi ?
On se lance.
Il faut dire que ce n’est ni la GS 1200, ni Dame Bullet, puisque c’est une Honda que l’on a dans les pattes. Il faut démarrer au kit et ça ne part pas toujours. Alors tu pompes, tu pompes et tu noies le total. T’as tout compris, c’est un peu la merde avant de prendre le coup. Puis, on se lance. Là, c’est vite dit. On y va d’abord mollo, histoire de voir ce que la bécane a dans le ventre et se faire la main. Puis on prend de l’assurance, surtout Michel qui part comme une balle et se vautre une première, puis une seconde fois, la tête la première dans le sable. Le fech-fech, c’est ici que nous le découvrons pour la première fois. Je recroiserai sa route quelques années plus tard au Pérou, et c’est une autre histoire.
Il y a du spectacle.
Il faut dire que les chutes sont assez spectaculaires. Ce sont plutôt des vols planés avec un atterrissage pas toujours contrôlé. Vous voyez le tableau. Comme ce n’est pas un concours, je m’abstiens de faire de l’ombre à Michel et lui laisse la palme du meilleur tombeur (à moto bien sûr, il ne faut pas avoir l’esprit mal tourné). Non, moi je suis inimitable. Étant un jour malade, je n’ai même pas le temps de retirer mon casque que je vomis dedans. Michel insiste « Enlève ton casque Bernard, enlève-le ». Du coup, à la fin du parcours, je ne ramène pas mon casque. Ouais, j’en suis pas fier et mon pote en rigole toujours et se fout encore de moi aujourd’hui.
Pas facile, facile.
Rester debout sur les pédales pour rouler, c’est sympa au début et on fait le kakou. A la fin de la journée, on est crevé et on en a plein les pattes. Puis, le lendemain, ce sont les courbatures. C’est vrai, ce n’est plus de nos âges ce genre de connerie. Les premiers jours, nous sommes complètement moulus. Pourtant on prend son pied et on se sent les plus forts dans ce désert qui défile le long des pistes caillouteuses ou sablonneuses que nous parcourons.
Dans le désert.
Quelques troupeaux de dromadaires déambulent nonchalamment et ne semblent visiblement pas dérangés par notre présence un peu bruyante. Les paysages ne sont guère variés dans ces étendues arides parfois bordées de dunes, et seuls quelques arbres rabougris ou quelques palmiers donnent un peu de relief. De temps en temps, nous croisons quelques villageois avec leurs ânes ou leurs chèvres en goguette. Ils nous saluent amicalement ; nous sommes en quelque sorte leur seule distraction et nous les coupons un peu de leur monotonie quotidienne.
Les pauses.
Elles sont évidemment les bienvenues et nous permettent de reprendre du poil de la bête. Mine de rien, c’est assez physique et nous ne boudons pas notre plaisir à prendre quelque repos, parfois dans les oasis. C’est aussi l’occasion de faire quelques visites auprès des artisans locaux de petits villages. Comme il se doit, on se laisse faire en ramenant quelques babioles. A nous l’huile d’Argan et les bracelets en argent pour quelques cadeaux au retour.
Découvrir le désert marocain en enduro reste une expérience unique que je pensais ne jamais devoir faire et j’en suis fier. Un seul regret peut-être, ne pas m’être vautré dans le sable comme mon pote. Mais à vrai dire, j’ai beaucoup apprécié ses vols planés, heureusement sans blessure majeure.